> Florian Gouthière
Journaliste scientifique, il est l’auteur de Santé, science, doit-on tout gober ? (Belin, 2017).
Quelles sont d’après vous les idées reçues les plus fréquemment véhiculées en psychologie et en neurosciences dans les médias ?
Notons tout d’abord qu’il existe plusieurs sortes d’idées « reçues », ou fausses. Les premières concernent la perception du public de la profession de psy, avec notamment une importante confusion entre les compétences et les rôles du psychiatre, du psychologue, du psychanalyste et du psychothérapeute.
À un deuxième niveau, on trouve des affirmations en psychologie et en neurosciences, détenues par une part importante du public, qui les croient vraies et validées : « faire écouter du Mozart à son enfant va le rendre plus intelligent », « nous utilisons seulement 10 % de notre cerveau », et autres neuromythes tels que « tout se passe dans la petite enfance », « la souffrance psychologique engendre des cancers », etc.
Viennent ensuite les idées reçues des psys eux-mêmes à l’égard de la validité de certaines de leurs pratiques. Nombre de praticiens pensent être à jour des connaissances relatives à leur discipline. Ils appliquent ce qu’on leur a appris, pensant que leurs enseignants étaient eux-mêmes à jour de leurs connaissances… Or, ce n’est pas toujours le cas ! S’ajoute à cela le fait que les résultats enseignés sont issus de recherches qui n’ont pas toutes le même poids. Une recherche qui porte sur 20 étudiants ne peut pas être hâtivement généralisée en une connaissance universelle. De la prudence s’impose dans l’interprétation de très nombreux travaux ! Dans un monde idéal, les praticiens devraient avoir le temps de réaliser un travail épistémologique, et de se demander si telle ou telle expérience est suffisamment valide, suffisamment répliquée, avant d’intégrer leurs conclusions à leur vision du monde et à leur pratique. Il est important d’accepter une dose d’incertitude, et de garder à l’esprit que même si certains résultats sont vraisemblables, ils ne sont pas nécessairement éprouvés. Bien sûr, en psychologie, il existe plus d’un levier pour faire cheminer un patient. Même si des concepts ne sont pas tout à fait valides, ou suffisamment confirmés, le patient peut tirer bénéfice de nombreux autres aspects de la relation avec un « psy ». Partant du constat qu’il vient consulter un praticien avec son bagage d’idées reçues, et se confronte avec les idées reçues du praticien lui-même, il me semble que – leur relation étant basée sur la confiance – ce dernier aurait tout à gagner à faire preuve de pédagogie en disant : « Sur telle question, je n’ai comme ressources que les résultats de petites expériences qui n’ont pas été répliquées, mais qui me semblent néanmoins très plausibles. Ce que je vais vous dire n’est pas certain, je vous propose de prendre ensemble le risque d’avancer tout de même dans cette direction ! »