Y a-t-il une imposture de la modernité ? Sommes-nous vraiment modernes ? C'est ce qu'examinait notamment le passionnant et savant colloque « Modernité et sécularisation » qui s'est tenu à l'université Paris-I-Sorbonne les 8 et 9 octobre 2004. Max Weber caractérisait la modernité par un « désenchantement du monde », par quoi il entendait un recul de la religion dans son rôle social, réduite désormais à la sphère privée. Ce recul serait directement lié à une extension de la rationalité instrumentale dans nos sociétés. Dans son intervention, Jean-Paul Willaime, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), refuse l'idée que la sociologie des religions se réduirait à cette question de la sécularisation. Les indicateurs du reste ne mettent pas tant en évidence un recul du religieux que la montée de nouvelles formes du croire aujourd'hui...
Bref, la question sociologique de la sécularisation n'est déjà pas elle-même aussi simple qu'elle n'y paraît.
La place sociale de la religion
D'autre part, la sécularisation ne pose pas uniquement le problème de la place sociale de la religion. Plus fondamentalement, elle renvoie à la question de savoir si nous nous sommes vraiment émancipés d'une vision judéo-chrétienne du monde. La philosophie politique s'est beaucoup interrogée sur ce point, notamment les quatre auteurs dont la réflexion a constitué l'épine dorsale de ce colloque : Carl Schmitt (1888-1985), Léo Strauss (1899-1973), Karl Löwith (1897-1973) et Hans Blumenberg (1920-1996), auxquels de nombreuses interventions se sont attachées à préciser la pensée. La question se pose en effet sur ce point de manière cruciale : les concepts politiques ne proviennent-ils pas directement de la théologie ? Par exemple, les droits de l'homme qui nous semblent si modernes ne sont-ils pas en fait d'une certaine manière la transposition du principe de l'égalité de tous devant Dieu ?