Jean Baubérot, directeur du groupe de sociologie des religions et de la laïcité au CNRS, s'est penché sur la « morale laïque », telle qu'elle s'est exprimée au tournant du siècle et a été diffusée dans les écoles. La première partie de son livre est une étude historique, riche d'informations, sur l'établissement de cette morale à l'école, sous l'impulsion de Jules Ferry. Soucieux de ne pas susciter la colère des croyants, celui-ci précise que l'école laïque ne sera pas antireligieuse, mais areligieuse.
La seconde partie de l'ouvrage, la plus originale, est une étude des thèmes de la morale laïque au tournant du siècle, à travers l'analyse de 210 cahiers d'écoliers. Diverses valeurs sont transmises par les enseignants comme l'effort, le progrès personnel, le travail, le respect de la famille ou de la France. Mais c'est la notion de dignité qui constitue « la clef de voûte de la morale laïque ». A la fois qualité intrinsèque de l'être humain et bien à conquérir et à défendre, elle permet d'articuler droits et devoirs, liberté et responsabilité. La solidarité est également très présente, ce qui conduit notamment certains maîtres à modifier la conclusion « égoïste » de la fable de la cigale et de la fourmi («Vous chantiez, eh bien, dansez maintenant ! »). Un instituteur fait intervenir une colombe qui apporte son secours à la cigale, un autre amène la fourmi égoïste à croiser le chemin de la cigale qui est morte de faim. La fourmi regrette alors amèrement sa conduite.