La mort de l'autre. Une introduction à l'éthique clinique


Robert Zittoun, Dunod, 2007, 336 p., 27 e.
Fondateur de la première équipe mobile de soins palliatifs en France, Robert Zittoun nous livre dans La Mort de l’autre ses réflexions relatives à l’éthique clinique, où la fin de vie occupe une place centrale.
Reprenant une distinction opérée par le médecin Alain Froment, l’auteur distingue deux visions parallèles de la maladie mortelle : celle du médecin, celle du malade. Le médecin conçoit la maladie comme un répertoire de signes biologiques objectifs à partir desquels prendre des décisions thérapeutiques probabilistes. L’incertitude du pronostic le condamne à l’action rapide, au traitement ajusté en permanence pour assurer au malade une durée de vie supplémentaire, indépendamment de sa qualité. Le patient, lui, vit sa maladie comme une vague de souffrance débordant largement le seul domaine organique. Or, la douleur psychique constitue une urgence médicale tout aussi légitime que la douleur physique, et insuffisamment prise en compte. Il est donc nécessaire d’adjoindre à la médecine scientifique une démarche de soins, et d’accompagnement. Le résultat d’un traitement ne doit plus seulement constituer une performance quantitative, mais améliorer la qualité de vie du patient.
Certes, les relations entre malade et médecin ont déjà évolué dans notre société. Autrefois, le médecin était paternaliste : si nécessaire, le secret médical pouvait autoriser à ne pas même informer le malade sur son propre état. Aujourd’hui, on évoque un modèle plus autonomiste, laissant davantage le patient juger de l’opportunité d’un traitement. Mais son « consentement éclairé » se réduit souvent à entériner une proposition thérapeutique dont la technicité scientifique lui échappe.
R. Zittoun évoque une troisième voie : la décision partagée. Elle implique la reconnaissance des limites respectives des deux acteurs de la relation thérapeutique. Il ne suffit pas que le malade s’en remette au médecin. Celui-ci, de son côté, doit prendre acte de la maladie subjectivement perçue par le patient, et consentir à la « démédicalisation du mourir », c’est-à-dire renoncer à l’idéologie technologique et ne plus considérer la victoire sur la mort comme une obligation absolue.
C’est ici que prend sens la démarche palliative, « tout ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire ». L’auteur l’oppose à l’euthanasie et à ses corollaires comme le suicide assisté, çà et là dépénalisés en Europe, et qui rencontrent en France un assentiment populaire grandissant. Les soins palliatifs sont présentés ici comme le lieu d’émergence d’une éthique prenant en compte le malade dans son intégrité et sa singularité.
Comment aider les futurs médecins à développer une éthique clinique ? L’originalité de R. Zittoun est de souligner les apports possibles de la philosophie. Ainsi, la phénoménologie lui semble à même d’inspirer une relation thérapeutique plus symétrique, où subjectivité et objectivité se rejoindraient dans l’exigence humaniste de se représenter la réalité perçue par autrui.
Une chance, peut-être, d’échapper à ce que certains dénoncent comme l’éthique de marché, qui concurrencerait depuis quelques années l’éthique professionnelle, et qui considérerait le malade comme le simple consommateur d’un soin géré comme un produit…