La parentalité positive : des effets négatifs ?

Ses conseils pour faire des « bons » parents seraient une source permanente de culpabilisation, et rateraient le coche de la lutte contre les violences familiales. Explications de deux auteurs qui sonnent la charge…

Aude Sécheret (autrice et traductrice) et Vincent Joly (psychologue clinicien) publient un essai intitulé Non coupables : sortir des injonctions de la parentalité positive (Ed. Larousse, 2019), l’analyse d’une configuration sociale au sein de laquelle les parents seraient déclarés coupables de tous les maux de leurs chérubins. Ils y dressent le portrait d’une classe moyenne profondément désireuse d’appliquer une éducation respectueuse et épanouissante pour ses enfants (livres, guides, méthodes, coaching à l’appui), et qui, pourtant, s’épuise dans cette entreprise.

Impératif et pseudoscience

Il est extrêmement compliqué de trouver un consensus sur ce qu’est la parentalité positive. Elle ne semble se définir que par ses contenus, selon que les auteurs et professionnels s’en revendiquent, ou prennent publiquement la parole à ce sujet. Compte tenu de leur popularité et du ton péremptoire qu’ils utilisent parfois auprès des familles, il s’agit d’un réel problème, selon Vincent Joly et Aude Sécheret : « Sur internet, il existe toute une gamme d’experts autoproclamés. Ce décalage est d’autant plus flagrant compte tenu de l’écart important entre le nombre de publications sur la parentalité positive dans les médias traditionnels ou sociaux, et la pauvreté des sources sur des sites d’articles scientifiques comme CAIRN ou Pubmed. Ce qui pose quand même question : si l’on en vient à utiliser la notion d’expert, c’est qu’il devrait exister une masse substantielle de recherches qui ont permis de forger ladite expertise ». En marge, se trouve aussi pour eux un décalage de discours. « Lorsqu’on prend la parole sur la parentalité, on parle souvent plutôt de soi, de son vécu familial. Dans ce contexte, pourquoi ne pas donner des conseils, partager son expérience de parent ». Là où le bât blesse, c’est que ces « petits conseils » sont « donnés à l’impératif : 10 règles du bonheur en famille, 7 phrases à dire à son enfant… »

Le recours aux neurosciences en serait un exemple représentatif. « Avec l’idée que cela apporterait une réponse vraie ; que cela placerait la psychologie non pas dans le champ des sciences humaines, qui posent des questions, mais dans le champ des sciences exactes, qui seraient à même de fournir des issues définitives. D’autant que les discours qui sont générés par ces études sont souvent simplifiés à l’extrême dans les médias ». Or, si les progrès en neurosciences développementales sont réels : 1) ils ne peuvent être traduits sans détour en techniques éducatives (voir « Les recettes miracles de la neuro-éducation ? », le Cercle Psy n° 36) ; 2) les résultats ne portent pas directement sur l’évaluation de ces techniques éducatives sur le cerveau de l’enfant (contrairement à la majorité des discours tenus en parentalité positive) ; et à ce titre 3) il peut facilement exister une forme de mésusage, voire de récupération des résultats à des fins de propagande. « Le recours à l’argument d’autorité des neurosciences est alors servi sur fond de chantage au bonheur de notre enfant ».