La passion de l'art primitif. Enquête sur les collectionneurs

Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini, Gallimard, 2008, 318 p., 20 €

« Vouloir posséder, c’est vouloir s’unir à l’objet », écrivait Jean-Paul Sartre en 1943. Cette formule (citée en conclusion de ce livre) pourrait servir d’enseigne aux collectionneurs d’art primitif auxquels les deux anthropologues ont rendu visite. Après un bref rappel des rares études sur cette pratique, Brigitte Derlon et Monique Jeudy-Ballini sont rapidement confrontées au problème que soulève leur choix de mener une enquête directe. La sociologie critique tient pour acquis que collectionner des œuvres d’art a pour moteur principal la recherche de la distinction, ou au pire le pur et simple appât du gain. Mais le discours des acheteurs d’art primitif est tout autre : pour eux, il n’est question que de passion, d’émotion et de bien d’autres choses encore plus irrationnelles. Argent et prestige ne sont jamais évoqués. Dans ce domaine de l’art où l’authenticité et l’identité (et donc la cote) d’un objet ne sont jamais totalement assurées, l’achat relève du « coup de foudre » et la possession de la relation amoureuse : les collectionneurs d’art primitif vivent entourés des objets qu’ils ont acquis et ne s’en séparent que lorsque la passion s’est éteinte.