La Pologne : sa langue, son église et ses femmes

La Pologne frappe à la porte de l'Europe. Pour jouer les bons élèves des PECO (pays d'Europe centrale et orientale), les réformes, fidèles aux canons de l'économie libérale, se sont succédé depuis 1989. Ont-elles porté leurs fruits ?

Sur les 31 conditions d'adhésion, la Pologne n'en a traité que 16, « soit un des avancements les plus lents parmi les pays candidats ». D'où viennent les blocages, s'interrogent Jean-André Barbosa et Eva Portier ? Ils ne sont pas économiques, ils sont sociaux. Les Polonais sont réfractaires aux injonctions étatiques car l'identité polonaise s'est construite à partir de la langue, de l'Eglise et du foyer, et non à partir de l'Etat. La langue, « qui comporte 50 fois plus de z que le français », qui a une grammaire datant de 1568, est incompréhensible pour les germaniques et possède un alphabet différent du russe. Elle a trouvé dans l'Eglise un lieu d'expression privilégié (le latin ayant été expurgé au xviiie siècle). De plus, l'Eglise impulse de nombreux « rites communautaires », tels que le partage de l'oplatek (sorte de pain sans levain) lors de la veillée de Noël. Elle est aussi un puissant vecteur d'identification, par opposition à l'orthodoxie russe et au protestantisme germain. Enfin, le foyer a toujours été au coeur de la transmission de cette langue bien particulière et de la reproduction des rites identitaires. Et la femme polonaise en était l'« acteur » principal. « Ce sont les femmes qui apprenaient aux enfants l'histoire de leur pays, leurs traditions, leurs coutumes. » L'impulsion viendra peut-être d'elles, car elles occupent aujourd'hui 66 % des postes de niveau cadre (contre 10 % pour leurs homologues françaises).