> Annick Simon
Annick Simon fut marionnettiste, institutrice, psychologue scolaire, avant de travailler pendant vingt ans au service de néonatalité de Roanne. Elle a rédigé ses souvenirs dans La Psy qui murmurait à l’oreille des bébés (Dunod, 2017).
Vous avez commencé votre carrière comme marionnettiste, puis institutrice. Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir psychologue ?
Il y a eu un fil conducteur, que j’ignorais sur le moment. En cours de philosophie, j’ai étudié le Mythe de la Caverne, de Platon, selon lequel nous n’avons une vision du monde que par ses ombres portées. Ce fut important pour ma vie entière : notre point de vue varie suivant là où nous sommes. Du coup, je suis rentrée à la maison pour annoncer à mes parents que je voulais devenir marionnettiste. Comme ils étaient originaux, ils m’ont dit « Pourquoi pas ? » et m’ont fait construire un castelet par le ferronnier de la ville. J’ai exercé ce métier pendant cinq ans, plutôt pour des adultes, par exemple, pour évoquer la vie amoureuse de Ronsard. Sauf que, pour moi, c’était tellement beau… que je refusais de me faire payer. Comme le spectacle valait surtout pour l’échange de regards entre le public et moi, si les spectateurs m’avaient payé, je me serais sentie obligée de les payer aussi ! Comme on ne peut vivre d’amour et d’eau fraîche et qu’en ce temps-là il était possible d’être instituteur remplaçant sans passer par l’École normale, je suis devenue institutrice remplaçante, puis titulaire, pendant cinq autres années. J’ai parfois travaillé avec des enfants en difficultés scolaires, sociales, ou mentales, ce qui m’a incitée à suivre une formation de psychologue scolaire pendant trois ans. C’était tellement passionnant que j’ai poursuivi mes études. Je me suis aperçue que je n’étais plus à ma place, parce que j’écoutais les écoliers comme une clinicienne. J’ai pu postuler à l’hôpital de Roanne pour devenir psychologue tout court, avec un stage dans le service de néonatologie. Passé mon stage, un poste se libérait. C’était taillé sur mesure !
Vous expliquez dans votre livre que le service vous a profondément marquée, dès le premier jour. Pourquoi ?
À l’école, j’avais rencontré des enfants qui étaient d’anciens prématurés. Je m’étais dit qu’en tant que psychoclinicienne, il me faudrait un jour travailler avec ces bébés-là. Peut-être étaient-ils un peu murés après s’être retrouvés enfermés dans une couveuse, avec peu de contacts des bras et peu de paroles des parents… À Roanne, j’ai été marquée dès le premier jour par l’étrangeté du service, la souffrance de ces bébés d’1,200 kg, la souffrance morale des parents avec des mamans qui s’évanouissaient devant les couveuses, la tendresse du personnel incroyablement présent. Comme Obélix, j’ai eu l’impression de tomber dans la marmite !