La psychanalyse à bout de souffle ?

Avec l’Argentine, la France reste le dernier pays où la psychanalyse exerce une forte influence. Mais, concurrencée par des thérapies brèves jugées plus efficaces, régulièrement attaquée, peinant à 
se renouveler, peut-elle tenir longtemps ?

La psychanalyse suscite des angoisses, questionne, dérange. Et en retour, est régulièrement menacée de disparaître… Est-ce dû à son succès, comme semblait le penser Élisabeth Roudinesco, en 2000 ? « Le succès remporté par la psychanalyse dans le monde s’est traduit par des attaques incessantes. Durant la première moitié du siècle, elle fut assimilée à un pansexualisme et rendue responsable d’un abaissement de la morale civilisée. On l’accusait de corrompre les mœurs et de semer la discorde dans les familles. Après 1960, quand progressèrent en Occident des pratiques plus libres en matière de sexualité, la psychanalyse fut alors prise à parti pour sa prétendue inefficacité clinique, pour son absence de scientificité (…). Ces critiques sont le signe de la force de la psychanalyse » (1). Cet optimisme a depuis été confronté à un durcissement des critiques. En 2005, Le Livre noir de la psychanalyse. Vivre, penser et aller mieux sans Freud (2), dresse un bilan virulent de cent ans de freudisme. Michel Onfray, dans Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne (3), examine le freudisme sous l’angle de la religion, voire de la secte, avec ses adeptes et son gourou, et lui dénie le titre de science, fut-elle de l’âme. En 2011, un documentaire, Le Mur. La psychanalyse à l’épreuve de l’autisme, a chamboulé la communauté psychanalytique (4).En mars 2012, la Haute autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), dans leurs recommandations de bonne pratique pour l’autisme, classent les approches psychanalytiques dans la catégorie des « interventions globales non consensuelles », indiquant que « l’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à leur pertinence ».

Les récentes orientations du IIIe plan Autisme 2012-2015 soulignent quant à elles la nécessité de « soutenir résolument le développement des sciences cognitives » dans la recherche.

Ces derniers événements viennent conforter une vision de la psychanalyse contestée dans son autorité, notamment au nom de l’impossibilité d’évaluer son efficacité. Loin de la considérer, comme le souhaitait Freud, comme une méthode, une thérapeutique et une tentative pour rassembler ses concepts en une théorie, ses détracteurs s’obstinent à lui dénier le statut de science – qu’elle ne réclame pas – pour mieux la discréditer.

Un peu responsables ?

Et Élisabeth Roudinesco, sans aller jusqu’à prendre parti pour les promoteurs du film Le Mur, accuse cependant les psychanalystes d’être en partie responsables de la querelle : « “Nous avons cherché l’ennemi et nous l’avons trouvé en nous”, disait Stanley Kubrick. Les psychanalystes devraient réfléchir à ce jugement. À force de repli sur eux-mêmes, ne sont-ils pas devenus, comme le redoutait Freud, les ennemis de la psychanalyse ? » (5). Car la question mérite d’être posée : quelle est la responsabilité des psychanalystes de ce qu’ils donnent à voir de la psychanalyse ? Et plus d’un siècle après sa naissance, comment travaillent-ils à son évolution ?