La psychanalyse à Vienne aujourd'hui : rien de neuf, docteur ?

Vienne est la capitale historique de la psychanalyse. Un siècle plus tard, qu’y sont devenus les successeurs de Freud ? Reportage.

Le regard est pétillant, la poignée de main franche, le cabinet d’August Ruhs est aussi chaleureux que sa salle d’attente est dépouillée. Un tableau pop au mur, au-dessus d’un divan design, un vaste bureau à peine dérangé de papiers, une bibliothèque aux ouvrages qui semblent classés par ordre alphabétique et par couleur et, posée sur le mur, à droite, une petite table, avec deux chaises, autour de laquelle on s’assied. « Voulez-vous un café ? » Au goût du breuvage, parfaitement dosé, vous savez que vous êtes à Vienne, mais bien qu’August Ruhs porte une barbe très freudienne, aucun doute permis : vous n’êtes pas en 1905, et aucune calèche ne vous attendra en bas à la fin de l’entretien. Car August Ruhs est bien un analyste de notre temps, c’est-à-dire un analyste inquiet. Quand on lui demande comment se porte la psychanalyse aujourd’hui en Autriche, il admet d’emblée que, depuis la loi autrichienne de 1990 réglementant l’exercice de la psychothérapie, la psychanalyse « qui jusque-là était un modèle pour les autres thérapies, a perdu sa position de primauté, pour devenir une psychothérapie comme les autres. Avec cette loi, une vingtaine d’écoles de psychothérapies, considérées par l’État comme valables, ont accru leur influence. Tout à coup, nos psychiatres n’ont plus eu le droit d’exercer la psychothérapie sauf en faisant une formation. Les psychiatres ont donc fondé un nouveau terme, la médecine psychothérapique. On se retrouve donc dans une situation un peu absurde où il y a désormais deux branches de la psychothérapie : l’une, académique, où pour devenir psychothérapeute il faut faire médecine ; et l’autre où, à partir du moment où on a son bac, on peut faire une formation de psychothérapie comme on fait une formation de pédicure ». Et d’ajouter : « Malgré la présence de Freud, nous ne pouvons que constater en Autriche une absence de la psychanalyse ».