
Le Phallus et le Néant. Tout est dans le titre du film, sorti le 16 janvier 2019, de la documentariste Sophie Robert, déjà auteure d’un long-métrage, Le Mur, dénonçant le rôle de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme. Dans sa nouvelle production, elle donne la parole à 18 praticiens et s’attaque cette fois au fondement même de l’approche freudo-lacanienne, reposant sur une théorie sexuelle qui fait toujours école aujourd’hui et lui semble contestable, voire responsable de dérives thérapeutiques. En ligne de mire : l’obsession désespérée des femmes pour le phallus qu’elles n’auront jamais. Objections de Samuel Lepastier, psychiatre, membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris et chercheur associé à l’Institut des Sciences de la communication (CNRS-Sorbonne Université), qui a accepté de débattre avec elle pour Le Cercle Psy.
La théorie sexuelle de Freud est toujours présentée comme inséparable de la démarche psychanalytique. Serait-ce un dogme immuable ?
Sophie Robert : Plus jeune, je rêvais de devenir psychanalyste. Je me suis passionnée pour cette pratique, j’ai beaucoup lu, découvert certains concepts déroutants que je pensais datés, et j’ai donc enquêté pour recueillir l’avis des praticiens d’aujourd’hui. Certains m’ont confié leur inquiétude concernant l’impossibilité de s’écarter des dogmes de la théorie sexuelle de Freud, au risque de se voir ostraciser par leurs confrères et leur institution de référence. C’est ce qui m’a poussée à interroger de nombreux autres psychanalystes. J’ai constaté la prégnance de cette théorie qui, chez eux, n’a pas pris une ride, malgré les évolutions de la société. Ils semblent plaquer un schéma de pensée unique impliquant une dévalorisation systématique de la sexualité féminine, et du sexe féminin en particulier.
Samuel Lepastier : La pratique psychanalytique ne s’appuie pas sur un dogme mais sur la clinique. Nous sommes là pour écouter sans juger, dans un état « d’attention également soutenue », ce que dit le patient, c’est-à-dire tout ce qui lui passe par la tête. Nous observons parfois une interruption dans le flux, des perturbations, des mots inattendus, des silences indicateurs d’un problème psychologique sous-jacents qui, généralement, renvoient à des événements, des pratiques fixées à certains stades du développement marqué par la sexualité infantile. On ne fait donc que du sur-mesure. Par ailleurs, Freud a connu des contradicteurs qui se sont opposés à certains points de sa théorie sexuelle, comme Ernest Jones en Grande Bretagne, ou Monique Schneider et Janine Chasseguet-Smirgel, en France, et qui ont occupé des positions influentes. La psychanalyse n’est pas une secte et permet la controverse.