La psychothérapie en Europe : quand les Etats s'en mêlent

Partout en Europe, des débats ont lieu pour définir légalement ce qu'est un psychothérapeute, et quels doivent être sa formation et son champ d'action. Quelles options sont choisies chez nos voisins ? Peut-on dégager des points communs ? La situation française est-elle exceptionnelle ? Des experts ont récemment évoqué ces questions, lors d'un colloque parisien. Le Cercle Psy était présent.
Le 16 septembre 2010, alors même qu’au Collège de France, psychiatres, neurologues et piliers de l’industrie pharmaceutique affluaient pour saluer les prémices d’un Plan cerveau, quelques chercheurs en sciences humaines, principalement des sociologues, se réunissaient dans une petite salle de l’Ecole Normale Supérieure pour un colloque consacré aux psychothérapies en Europe. Dans les deux cas, on y constatait la même chose en filigrane : les psychologues français semblent en partie tenus à l’écart, parfois de leur propre fait, des bouleversements majeurs qui s’orchestrent dans l’étude et la prise en charge des troubles psychiques.
Mais voyons d’abord, à titre d’exemple, la situation des psychothérapeutes chez quelques-uns de nos voisins européens, tel que l’ont présentée des intervenants du colloque.

Le phénomène hollandais

Fiona van Dijk, de l'université de Nijmegen, aux Pays-Bas, a raconté les péripéties du « phénomène hollandais », à savoir que les psychothérapeutes constituent depuis 1986 une profession à part entière, indépendante, réservée aux psychiatres et psychologues de la santé. Depuis 1993, une loi invite les thérapeutes à s'inscrire dans un grand registre. Les psychologues, qui gagnent de plus en plus de terrain sur les psychiatres, doivent avoir suivi quatre ans de formation après un master, mais également avoir fait l'objet d'une thérapie. Quatre approches sont reconnues : TCC, approche centrée sur le client, psychanalyse et thérapie familiale. Ces soins sont remboursés. La profession est très recherchée, bien que son avenir reste incertain du fait d’un déclin dans le monde institutionnel.

En Allemagne, une prestation ordinaire

En Allemagne, a expliqué Bernhard Strauss, de l’université d’Iéna, une loi de 1999 définit la formation et la pratique des psychothérapeutes. Ceux-ci se divisent en deux corps, celui des psychiatres et celui des psychologues, d’une force institutionnelle quasi équivalente. Les « ni ni », les Heilpraktiken, ne sont pas autorisés à se dire psychothérapeutes à proprement parler, mais peuvent se présenter comme « pratiquant la psychothérapie »... Toute demande de prise en charge est formulée par un psychothérapeute pour son patient potentiel, et validée par un expert, ce qui ressort de la formalité. Les psychothérapies constituent en effet une prestation ordinaire des systèmes d’assurance, dans le privé comme dans le public. Les soins sont remboursés pourvu qu’ils relèvent des TCC ou d’une thérapie psychodynamique. Mais 80 % des formations concernent les TCC... Une expertise est en cours pour évaluer et réviser la loi de 1999, dans un souci de contrôle des dépenses de santé.