La recherche française perd-elle du terrain ?

Le système français de recherche scientifique et technique est doté de moyens supérieurs à ceux de bon nombre de pays européens, mais est entré depuis dix ans dans une phase de stagnation qui fait redouter l'avenir.

En matière de recherche scientifique, la place d'un pays dans la compétition internationale s'évalue ordinairement de deux manières : en quantité et en qualité, ou plus exactement en mesurant d'une part les moyens et les effectifs investis dans ce domaine d'activité, d'autre part les résultats obtenus. Mais avancer d'emblée de tels chiffres n'a guère de sens si on ne les fait précéder de quelques considérations sur l'effet de masse que représente l'inégale répartition de la recherche dans le monde. En effet, 80 % des dépenses en recherche-développement (RD) dans le monde sont effectuées dans trois zones géographiques, l'Amérique du Nord (39,4 %), l'Union européenne (26,2 %) et le Japon-Corée (15 %). Comme le souligne un ouvrage de l'Observatoire des sciences et des techniques 1, moins du quart de la population du globe se trouve donc en charge de la plus grande part de l'activité scientifique mondiale. Des régions aussi démographiquement importantes que la Chine, la CEI et l'Amérique latine ne fournissent respectivement que 5,5 %, 1,1 % et 3 % des ressources des activités de RD.

Les États-Unis : la référence absolue

A l'intérieur du groupe de tête, un autre effet de masse apparaît : celui du leadership absolu des Etats-Unis qui, avec 288 milliards d'euros annuels, disposent d'un budget une fois et demie supérieur à celui de l'Union européenne tout entière, et presque trois fois à celui du Japon. Face à une telle masse, que pèsent les 30 milliards d'euros du budget français ? La question ne se pose pas de manière si simple, mais on comprend pourquoi, dans cette matière, les Etats-Unis font figure de référence absolue depuis deux décennies au moins.

Selon les indicateurs internationaux, les efforts de recherche d'un pays se mesurent en dépenses relatives, à proportion de la part qu'elles occupent dans leur économie, soit en part de produit intérieur brut (PIB). Ainsi, le rapport dépense de recherche/PIB fait apparaître dans l'ordre le Japon (3 % du PIB), les Etats-Unis (2,8 %) et l'Union européenne, assez loin derrière (1,9 %). Quelle est la place de la France dans ce classement ? Contrairement à ce que pourrait suggérer la masse relativement modeste de son budget, elle est assez favorable. En 2001, en effet, la France consacrait 2,23 % de son PIB à la recherche, ce qui la plaçait au-dessus de la moyenne européenne, derrière la Suède, la Finlande, l'Allemagne, mais devant le Royaume-Uni, l'Autriche et toute l'Europe du Sud. A son échelle donc, le budget français des dépenses de recherche n'a rien de déshonorant.

Toutefois, ce n'est là qu'un critère parmi d'autres : les efforts consentis ne préjugent pas de la qualité des performances et des résultats qui, faute d'être mesurables de manière simple, peuvent être approchés sous différents angles.

publicité

En recherche fondamentale, par exemple, un résultat consiste, principalement, dans une publication. Les chercheurs français sont-ils, à cet égard, productifs ? Un coup d'oeil aux données de l'Institute for Scientific Information 2 montre que les publications françaises occupent - en volume - le troisième rang européen (derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne) avec un score de 5,2 % de la production mondiale (Japon, 8,9 %, Etats-Unis, 29,9 %), ce qui est correct et témoigne même, par tête de chercheur, d'une productivité supérieure à celle des scientifiques américains. L'indice d'impact, censé mesurer l'influence exercée par ces publications à travers le nombre de citations relevées dans le monde, est plus décevant, car inférieur à la moyenne mondiale. Même s'il s'avère que la France publie beaucoup dans certaines matières où sa recherche excelle (mathématiques, physique), son rayonnement n'est pas à la hauteur des efforts réalisés, peut-être, doit-on penser, en partie pour des raisons de langue. Autre aspect du rayonnement : les récompenses scientifiques. Les plus brillantes d'entre elles sont les Nobel et la médaille Fields. Depuis 1980, la France fait assez moyenne figure en matière de nobélisés : sept lauréats en vingt ans (dont trois en physique), contre quatorze au Royaume-Uni et douze à l'Allemagne. En mathématiques, elle occupe en revanche une bonne seconde place (quatre lauréats) derrière les Etats-Unis (cinq lauréats), à égalité avec la Russie, les maths étant le seul domaine d'excellence de ce grand pays.