Paris, quartier de la Chapelle. Les rails de la gare du Nord serpentent au pied du jardin d’Éole. Le lieu a longtemps été connu pour ses consommateurs de crack. Mais c’est une autre addiction qui attire ce soir les passants vers l’auberge de jeunesse, à deux pas. Comme chaque mardi, l’association la Boîte à Chimère y organise des jeux de société, une pratique aujourd’hui assumée par de nombreux adultes. Cheveux grisonnants et t-shirt noir, Olivier, infirmier dans le civil, est président de la structure : « Quand j’étais étudiant et que je disais que j’aimais jouer, on me prenait pour un gamin attardé. Maintenant, un adulte peut jouer à Jungle Speed 1, ce n’est plus ringard. » Créée en 2008, la Boîte à Chimère fait partie des très nombreuses associations qui maillent le territoire, de Akiltoor (près du Mans) à la Zone ludique d’utilité publique (Saint-Nazaire). L’engouement pour le jeu de société est confirmé par les sociologues Vincent Berry et Samuel Coavoux. Dans un dossier spécial de la revue Sciences du jeu (2021/14), ils présentent les résultats d’une enquête réalisée en 2017 auprès des Français de plus de 18 ans. Résultat : 96 % ont joué au moins une fois dans leur vie à un jeu de société, et 25 % jouent au moins une fois par mois. La pratique hebdomadaire est même en augmentation sur le long terme, rappelle V. Berry dans le même numéro. Le sociologue se réjouit d’ailleurs que les enquêtes du ministère de la Culture sur les loisirs des Français prennent de mieux en mieux en compte ces pratiques.
Renards, lapins et souris
Le hall de l’auberge de jeunesse se remplit peu à peu. Beaucoup arrivent directement de leur travail. Ils sortent sandwichs, bò bún, chips ou bananes. Une bière ou un coca, commandés au bar de l’auberge de jeunesse, complètent ce dîner improvisé. « C’est l’arrangement passé avec la structure », explique Olivier. En contrepartie, les joueurs disposent du hall et d’une armoire pour le matériel.