La révolution cartographique de Ricci

La cartographie du jésuite Matteo Ricci (1552-1610) constitue un corpus révolutionnairement novateur à maints égards : non seulement elle propose une nouvelle toponymie mais, combinant des techniques et des connaissances européennes (cartographie de Mercator, Ortelius, Plancius…) à des connaissances géographiques chinoises (cartographie du Yujitu, du Guangyutu, du Kangnido – 1402 –, de Wang Pan – 1594 –), elle réalise en 1602 le premier planisphère au monde le plus proche des réalisations scientifiques actuelles, d’une acuité et d’une appréhension géographiques époustouflantes pour l’époque, au tout début du XVIIe siècle. Preuve de sa pertinence attractive, sa conception est intégrée sans problèmes majeurs par les géographes sinisés eux-mêmes qui la reprennent à leur compte, et ce pour un long moment.
La cartographie de M. Ricci n’est donc ni jésuite, ni européenne, ni chinoise, elle est un mélange de tout cela et, par là, quelque chose qui se situe même au-delà. Il s’agit d’une réalisation véritablement transnationale, mondiale, la première en ce qui concerne l’Asie orientale, où la stratégie même de colonisation intellectuelle de la Chine par les Jésuites s’efface un temps devant la richesse universelle des connaissances qu’elle apporte.