Elle représente au moins 11 % de la richesse produite chaque année en France et occupe jusqu'à 12 % de la population active. « Elle », c'est la grande distribution, la première branche d'activité de l'Hexagone dont une quinzaine de spécialistes - des historiens, des économistes, des sociologues et des professionnels - emmenés par l'historien Jacques Marseille se proposent de retracer l'évolution. En deux siècles, la grande distribution a déjà connu trois révolutions : la première, intervenue dans les années 1820-1860 voit la naissance des grands magasins (Au Bon marché, le Printemps...) ; la deuxième (fin du xixe siècle), l'essor de la Samaritaine, des Galeries Lafayette... ; enfin, la troisième correspond aux Trentes Glorieuses et à l'apparition des hypermarchés. Si chaque enseigne a sa propre histoire, toutes (ou presque) présentent un point commun : elles sont l'oeuvre de provinciaux issus de milieux modestes (le fondateur du célèbre Au Bon marché était de Bellème, dans l'Orne, et Edouard Leclerc de Landerneaux). « Dans une société française largement ossifiée par le privilège du diplôme et le poids des grands corps, commente Jacques Marseille, le principal mérite du grand commerce a été de privilégier la promotion interne et la formation sur le tas ».
La grande distribution en serait à sa quatrième révolution.
C'est ce que montre de son côté Philippe Moati, du Centre pour la recherche et l'étude des conditions de vie (Crédoc), en s'attachant à décrire les mutations actuelles de la grande distribution alimentaire. Mais à la différence des précédentes, cette révolution doit moins, semble-t-il, aux intuitions géniales d'autodidactes qu'à une série de processus tels que la concentration, l'internationalisation, la segmentation, la diversification... et ce, sous l'effet d'une autre révolution : la révolution informatique.