Objet historique à part, difficile à identifier et répertorier, la Saint-Barthélemy reste mystérieuse. Malgré le nombre d’ouvrages qui lui sont consacrés, des énigmes demeurent. Comment expliquer le basculement entre les jours de liesse du mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre, le 18 août 1572, et le carnage qui a suivi six jours plus tard ? Comment appréhender la contradiction entre le désir royal de concorde – édit de Saint-Germain de 1570 et union royale censée sceller la réconciliation entre catholiques et protestants – et l’ordre du Conseil royal de supprimer les chefs huguenots ? Pourquoi une opération d’élimination ciblée a-t-elle dégénéré en trois jours de massacre généralisé à Paris et, de là, dans d’autres villes ? Avec son sens aigu de la didactique, Arlette Jouanna retrace la situation religieuse et politique française si complexe avant, pendant et après la tragédie. Elle résume les thèses avancées par les contemporains pour « penser l’impensable », ainsi que les différentes orientations historiographiques récentes et propose une lecture nouvelle de ce qui fut vécu comme un cataclysme et une rupture, au point de susciter des débats sur les fondements du pouvoir, les limites de l’autorité, la légitimité de la désobéissance, etc. Parallèlement, la personne du roi fut sursacralisée. « En dramatisant le débat sur la nature des institutions, la Saint-Barthélemy a [finalement] accéléré leur évolution vers le pouvoir absolu » qu’installeront les Bourbon.
Marc Olano