La schizophrénie au coeur de la société

La schizophrénie effraie le grand public et tarabuste les scientifiques. Prototype de la folie, son étude suscite l'attention conjointe des neurosciences, des sciences cognitives et de la pratique clinique.

Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004, Romain Dupuy, 21 ans, tuait à l'arme blanche une aide-soignante et une infirmière de l'hôpital psychiatrique de Pau. Quelques mois plus tard, un malade blessait grièvement une employée d'un centre médico-psychologique à Saint-Maur-des-Fossés. Les patients étaient tous deux atteints de schizophrénie... la folie rendrait-elle violent ? Les psychiatres s'inscrivent en faux contre cette idée : les patients psychotiques, en l'occurrence schizophrènes, ne sont pas violents par nature. Le très fort taux de suicide qui accompagne la maladie prouve qu'ils sont plus dangereux pour eux-mêmes que pour autrui. Ce fait divers rappelle combien la schizophrénie reste mystérieuse aux yeux du grand public... et des chercheurs, qu'elle obsède depuis des décennies.

La schizophrénie est considérée comme la plus fréquente des psychoses chroniques, dont elle serait le prototype. Selon le psychiatre Nicolas Georgieff, le terme de « psychose » désigne en psychiatrie « un type de pathologie mentale, caractérisé par un trouble grave de la relation avec la réalité, des troubles de l'identité ou de la conscience de soi, des troubles des relations intersubjectives (donc de la communication) et des perturbations spécifiques de l'activité mentale, en particulier le délire et les hallucinations 1»

Décrite par Bleuler en 1911, la schizophrénie reste impossible à définir de façon précise. De toutes les tentatives de conceptualisation, on retient malgré tout deux notions qui en constituent les caractéristiques majeures. Tout d'abord l'ambivalence, qui signifie ici la tendance du sujet schizophrène à avoir à l'égard d'un même objet des sentiments et des attitudes contradictoires et simultanés. L'autisme ensuite, qui désigne l'incapacité du schizophrène à communiquer avec autrui, un désintérêt à l'égard du réel et le retrait dans son monde intérieur.

Autour de ces deux points d'ancrage gravitent plusieurs variantes cliniques de la maladie, qui rendent sa détection difficile. La psychiatrie s'est récemment dotée de « critères diagnostiques » standardisés. Les deux classifications prévalentes, celle de l'Organisation mondiale de la santé et celle de l'Association américaine de psychiatrie, répartissent les signes de la schizophrénie en deux pôles. D'un côté les symptômes « positifs » que sont le délire et les hallucinations. De l'autre les symptômes « négatifs » d'aspect déficitaire que sont la perte de la logique, la pauvreté affective, le retrait relationnel. Ces critères diagnostics intègrent depuis peu l'idée d'une rémission possible de la maladie (totale ou partielle) inenvisageable jusqu'alors.