L'acquisition précoce d'une seconde langue ne se fait-elle pas aux dépens de la première lorsque celle-ci est la langue maternelle d'une minorité socialement désavantagée ? C'est ce qu'a fait craindre la grande étude publiée en 1991, aux Etats-Unis, par la NABE (Association nationale pour l'enseignement bilingue) : selon elle, pour les enfants dont la langue maternelle est l'espagnol, la fréquentation d'une école maternelle anglaise, ou bilingue, altèrerait leur niveau en espagnol au point d'entraver leurs relations familiales. Il n'en est rien, réplique une équipe de chercheurs. Après avoir publié, en 1995, une première étude optimiste sur un groupe d'enfants mexicano-américains fréquentant une école maternelle bilingue, ils ont suivi ces mêmes enfants sur une seconde année puis ont reproduit leur étude de 1995 sur un nouveau groupe d'enfants du même âge. Les résultats sont identiques dans les trois cas : comparés à des Mexicano-Américains gardés à la maison, les élèves de l'école bilingue sont meilleurs en anglais, bien sûr - et au moins aussi bons en espagnol. Mais... les circonstances sont ici favorables : les écoles bilingues le sont réellement (l'enseignement y est bien
donné la moitié du temps en anglais, l'autre moitié du temps en espagnol), ce qui est loin d'être le cas dans toutes les écoles américaines dites « bilingues », précisent les auteurs.
Références
A. Winsler et al., « When Learning a Second Language Does Not Mean Losing the First : Bilingual Language Development in Low-Income, Spanish-Speaking Children Attending Bilingual Preschool », Child Development, mars-avril 1999.