En optant pour le split-screen (la division de l’écran en deux volets), le réalisateur Jaime Rosales ouvre deux fenêtres sur la vie madrilène. Adela quitte la province, son enfant sous le bras, pour tenter sa chance dans la capitale. Quant à Antonia, une sexagénaire, elle maintient la cohésion familiale prête à imploser, ses trois filles s’écharpant pour un oui ou pour un non. Ces deux personnages féminins ne se rencontreront jamais. Elles entendront à peine parler l’une de l’autre, puisque la colocataire d’Adela est la cadette d’Antonia. La Soledad maintient ainsi à distance ces deux existences qu’elle frotte l’une contre l’autre, le temps d’un plan. Douleur contre douleur, joie contre joie : un attentat emportera le fils d’Adela ; Antonia doit affronter la maladie et la mort, l’une de ses filles étant atteinte d’un cancer. La mise en scène parvient néanmoins à dégoupiller la solitude en milieu urbain, et rendre ainsi sensible l’existence de chacun. C’est à une ode à l’humanité en mode mineur que nous invite J. Rosales, dont le style et le propos rappellent souvent Marc Recha. Tous les deux puisent dans l’opposition ville/campagne pour effleurer les bleus à l’âme de leurs contemporains.
Marc Olano