Dans le langage de tous les jours, les métaphores sont légion. Exemple : « J’ai vu Duchemin ce matin. Il a été plutôt froid… » Parle-t-on de la température du monsieur ? Non, simplement d’une absence de poignée de main entre un banquier et son client. Intrigués par cet usage pourtant banal, les psychologues Chen-Bo Zhong et Geoffrey Leonardelli (Canada) se sont demandé s’il n’y avait là que poésie et arbitraire, ou bien si ce lexique thermométrique ne cachait pas quelque expérience sensorielle vécue. Pourquoi la qualité des relations entre les gens se décrit-elle en températures ? Les deux chercheurs ont conçu l’observation suivante : deux groupes d’individus sont invités à se remémorer un épisode de leur vie. Le groupe A, un épisode où ils se sont sentis « exclus », le groupe B, un épisode où ils se sont sentis « bien accueillis ». Puis, sous un prétexte technique, on a demandé à tous d’estimer la température de la pièce (identique pour les deux groupes). Résultat : les sujets A l’ont estimée beaucoup plus froide que les sujets B. Conclusion des auteurs : la « chaleur humaine » n’est pas qu’un jeu de mots. Elle est ressentie physiquement par les gens selon le degré de sympathie ou d’exclusion qu’ils éprouvent, même en souvenir. Non sans malice, les auteurs suggèrent qu’une « bonne soupe chaude pourrait faire partie des remèdes contre le sentiment d’exclusion », mais plus sérieusement, on peut imaginer qu’un programme entier de recherches se penche sur les expériences sensorielles qui se cachent (peut-être) derrière ces « métaphores qui nous font vivre ».
Marc Olano