La «théorie du genre» en débat chez les psys

Sommes-nous du genre masculin ou féminin par nature, ou bien est-ce 
notre environnement social qui en décide ? Les questions de genre, sujet éminemment polémique au sein de la société française, divisent (aussi) les psys.

Être un homme ou une femme : une évidence pour presque tout un chacun. Mais ça, c’était avant. Avant que la question du genre n’ar­rive en Europe dans les années 1990, ne s’invite dans les manuels scolaires et ne reprenne du service lors du débat sur le mariage homosexuel en France. En 1972, dans son ouvrage Sex, gender and society, la sociologue Anne Oakley rassemble sous la notion de gender (« genre ») les attributs psychologiques et culturels, masculins ou féminins, acquis par les individus en fonction des processus de socialisation.

La notion de « genre » souligne le fait que les rôles et les statuts sociaux des deux sexes, ainsi que leurs qualités physiques, intellectuelles et morales ne dépendent pas du fait de naître homme ou femme, mais des relations entre les sexes.

S’ensuit le courant des gender studies (« études de genre »), mené par des psychologues et psychanalystes à travers le concept d’identité de genre, ainsi que par des sociologues et des anthropologues. Cette approche repose sur le constat d’un pouvoir partout exercé par les hommes au détriment des femmes, et d’une valorisation systématique du masculin par rapport au féminin. C’est ainsi qu’émerge la distinction entre la dualité organique des sexes et la hiérarchie sociale des genres.

Certains mouvements féministes s’en emparent pour pousser le raisonnement à l’extrême. La philosophe américaine Judith Butler, féministe radicale, affirme en 1990, dans son ouvrage Troubles dans le genre, que les corps sexués ne sont pas donnés mais résultent d’un « façonnement disciplinaire ». Elle abolit toute distinction entre sexe et genre lorsqu’elle affirme que le sexe mâle ou femelle est une « construction culturelle au même titre que le genre ».

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Gare au mélange… des genres !

En France, les études sur le genre sont d’abord maintenues à distance alors que, dans les universités américaines, elles sont abordées dans des centaines de programmes.

En 2011, impossible pourtant de continuer à faire l’autruche : les questions de genre font leur apparition dans les manuels scolaires de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) en classe de Première.

En mars 2013, l’Union nationale inter­­universitaire, association étudiante très active dans la contestation du mariage homosexuel, fonde l’Observatoire de la théorie du genre pour amener à « ouvrir les yeux sur la théorie du genre », une « idéologie qui vise à remettre en cause les fondements de nos sociétés hétéro centrées, de substituer au concept marxiste de la lutte des classes, celui de la lutte des sexes ». Le moins que l’on puisse dire est que les questions de genre, plus ou moins bien comprises et interprétées, le plus souvent extrapolées au service de raisonnements parfois contradictoires, soulèvent de grands débats de société entraînant un sérieux mélange des genres.

Que veut dire être un homme ou une femme ? Et que signifie se sentir homme ou femme ? Un homme et une femme ont-ils par nature un psychisme différent, et si c’est le cas, dans quelle mesure ? Les psys eux-mêmes, largement sollicités pour se prononcer sur ce concept de genre lors du débat sur le mariage pour tous, n’en ont pas la même interprétation, tant celui-ci dépasse la question déjà complexe de savoir ce qui définit psychiquement un homme et une femme. •