La vitesse de l’ombre. Aux limites de la science

Jean-Marc Lévy-Leblond, Seuil, 2006, 272 p., 22 e.
Les Lumières voyaient dans la science un moyen d’apporter un éclairage universel sur le monde. La connaissance scientifique devait révéler la vraie nature des choses et libérer les hommes de l’obscurantisme. Mais, comme le rappelle le physicien et épistémologue Jean-Marc Lévy-Leblond dans ce recueil d’articles, toute lumière portée sur un objet crée de l’ombre. Le projet des Lumières serait donc voué à l’échec. Comme l’image de la science qu’il véhicule imprègne encore l’esprit de beaucoup de nos contemporains, scientifiques inclus, il est important, selon l’auteur, d’entreprendre une réflexion critique sur la science, non pas pour la récuser mais pour mieux en comprendre les tenants et aboutissants. Ceci le conduit à méditer sur ses limites ou, pour reprendre la précédente métaphore, à en éprouver la part d’ombre.
J.-M. Lévy-Leblond ne procède à aucun exposé systématique, mais recourt à des études de cas.
Pour montrer que la science s’enracine dans des représentations culturelles, il explique comment la théorie de l’arc-en-ciel chez Isaac Newton est imprégnée du symbolisme du chiffre sept. Pour rappeler que la science ne met pas fin aux légendes – ou à l’obscurantisme, serait-on tenté d’écrire –, il montre comment elle en génère elle-même à propos de ses héros. Pour illustrer sa dimension métaphysique, il dresse un parallèle entre les formules mathématiques de la physique moderne et l’usage de l’alphabet dans la Cabale hébraïque. Pour montrer à quel point les jugements portés par les scientifiques sur des théories ont une composante culturelle, il rappelle nombre de calculs savants de nos jours oubliés à propos des propriétés de l’enfer. Pour montrer que la science est autant affaire de connaissance que d’ignorance, il évoque la fécondité des imprécisions, voire des erreurs, en science.
Et ainsi de suite.
Autant de réflexions qui soulignent finalement le caractère non scientifique des affirmations scientifiques. Autrement dit, pas de lumière sans ombre.