La vulgarisation : tout un art

Chaque année, au mois de mai, lors du Festival des sciences de la terre et de ses hommes de Chamonix, le public peut assister aux expérimentations à la fois ludiques et instructives d'un jeune homme habillé en physicien/chimiste et de ses acolytes de l'association Atomes crochus.

Dommage que les enseignements ne soient pas organisés selon le même principe, est-on tenté de dire, tant les lois de la physique et de la chimie se révèlent être un jeu d'enfant... Ce n'est pour autant pas tout à fait l'avis de Richard-Emmanuel Eastes, le jeune homme en question. Vrai chimiste de son état, responsable du groupe Diffusion des savoirs à l'Ecole normale supérieure (Paris) et membre du Laboratoire de didactique et d'épistémologie des sciences (université de Genève), il rappelle dans un article des plus savants que si la vulgarisation scientifique participe à la médiation scientifique au même titre que l'enseignement en classe, elle ne saurait se confondre avec celui-ci ni prétendre le remettre en cause.

D'abord parce que le public visé par l'exercice de vulgarisation est rarement aussi homogène qu'une classe ni aussi captif. Ensuite, et surtout, parce qu'à la différence de l'enseignant, le vulgarisateur patenté, qu'il intervienne au cours d'un festival ou d'un bar des sciences (ou encore s'exprime dans un journal), dispose de peu de temps (ou de place). Il importe dans ces conditions d'éviter l'usage excessif de concepts qui appelleraient un effort préalable de définition sans compter une maturation de la part du spectateur (du lecteur). Comment ? En privilégiant une approche phénoménologique qui consiste à partir de l'observation et la description de phénomènes courants et donc directement accessibles aux néophytes.

A défaut de transmettre de nouvelles connaissances, le vulgarisateur s'emploie aussi à consolider les savoirs individuels existants (et ainsi à redonner confiance à des personnes qui en savent plus qu'elles ne le pensent), à éduquer à la « vérité» scientifique (en apprenant à décoder et trier l'information, à observer, etc.), enfin à poser un nouveau regard sur la science elle-même (quitte à la désacraliser un peu). Où l'on voit que la vulgarisation peut aussi être utile au chercheur en l'obligeant à adapter son discours à d'autres cadres de référence.

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