Vous êtes allé au Kurdistan irakien pour aller voir un camp de réfugiés syriens, dans la jungle de Calais, à Port-au-Prince, etc. Qu’est-ce que vous allez chercher sur ces terrains d’enquête : de l’information ou de l’inspiration ?
Comme beaucoup d’écrivains, j’ai besoin de me frotter aux bruits du monde. J’ai le désir d’en dire quelque chose, de faire place dans mes romans à son fracas. Mais ma présence sur ces terrains n’est pas celle d’un journaliste. Je ne suis pas là pour informer. Je ne me perçois pas non plus comme un militant, au sens où l’étaient les intellectuels français pendant la guerre d’Espagne, qui tenaient à la fois le pistolet et le stylo. Je suis seulement quelqu’un qui contemple : je viens observer des choses pour en témoigner, ensuite, à ma manière. Si je prends l’exemple de Port-au-Prince, j’y suis allé pour confronter mon imaginaire de la ville à la réalité, dans l’idée d’en faire le théâtre d’un roman. Ce que je ne savais pas en partant, c’est que j’en reviendrai avec des poèmes, notamment un qui s’appelle Et pourquoi pas la joie ?, très directement lié avec à une rencontre dans un bidonville avec une jeune maman. Là-bas, loin de chez moi, mon esprit était ouvert à de nouvelles histoires. J’ai écrit ce poème en écho à une rencontre qui m’a touché. Je n’aurais jamais pu penser ce texte depuis ma table à Paris.
Comment expliquer votre présence à vos interlocuteurs ?
J’ai toujours rencontré une forme d’acceptation de ma présence, parce qu’elle était liée à l’écriture. Je n’ai jamais eu de problème à faire naître la parole, ce qui m’a toujours étonné. Même quand le fossé culturel est très grand, des gens acceptent de se confier à moi qui ne suis pas journaliste, moi qui ne connais pas leur vie, qui ignore tout de leurs douleurs et de leurs déchirements. À chaque fois, je suis revenu de mes voyages avec le sentiment qu’entre humains, on peut toujours se parler. La parole, elle est là. Ma présence d’écrivain, de poète, est validée.