À travers quinze études empiriques (sur les conditions de travail des ouvriers de l'Education nationale, sur le métier d'animateur ou encore sur les dispositifs d'insertion des travailleurs handicapés), Le Bas de l'échelle propose un panorama saisissant de ce que l'on appellera, faute de mieux, la précarité, et fait notamment voler en éclats la traditionnelle dichotomie entre « inclus » et « exclus ».
Il n'y a ici quasiment que des situations intermédiaires, entre l'assistanat et l'emploi stable. Ainsi ces femmes immigrées, étudiées par Sabah Chaib, qui, souvent employées dans le secteur des services, révèlent des « parcours de flexibilité des temps de travail et de précarisation de la contractualisation avec les employeurs », fruits de logiques diverses ; soit « une permanence des tâches mais une multiplication des contrats », soit « une diversité des changements d'emploi (...) : passage fréquent de l'industrie à la sphère des services à la personne par exemple ». Mais on pourrait aussi citer le cas de ces jeunes informaticiens, titulaires de diplômes de niveau bac + 4 ou bac + 5, qui débutent leur carrière en contrat de qualification à 60 ou 80 % du smic, alors que la profession est l'une des mieux rémunérées qui soient.
C'est cette segmentation du monde du travail qui justifie, selon Pierre Cours-Salies dans son introduction, une nouvelle « polarisation ». Non plus l'exclusion ou la « dualisation » du salariat donc, mais trois grands ensembles. Outre le « salariat stable », qui recouvre néanmoins des situations de plus en plus disparates, le groupe des « surnuméraires » rassemble toutes les personnes maintenues à l'écart de l'emploi (chômeurs longue durée, allocataires des minima sociaux, préretraités, SDF...) et dont P. Cours-Salies évalue le nombre à environ 5 millions. Entre les deux, le « louage de main-d'œuvre », qui regroupe toutes les situations particulières (intérimaires, CDD, stages aidés, CEC, CES, emplois-jeunes...) et dont le point commun est « de s'accrocher à des situations d'emploi salarié afin de conserver un salaire qui donne le moyen de vivre quotidiennement sans dépendre des autres (...) et aussi pour ne pas tomber dans l'assistanat ».
Une réflexion des plus utiles à l'heure des débats sur les nouveaux contrats d'embauche.