Admettons qu’en 1794, selon le mot de Saint-Just, le bonheur était encore une idée neuve. Il semble qu’elle le reste en grande partie pour les observateurs des sociétés humaines : la description d’un état intérieur n’est pas leur spécialité. Le caractère exploratoire de ce collectif n’en est que plus évident : les seize auteurs qui se sont prêtés à l’exercice ont affaire à une notion mal assurée, dont les manifestations vont de la quiétude ataraxique aux joies les plus intenses, et interviennent dans des situations variées, allant de la retraite solitaire à la réussite publique. Ils ont laissé de côté toute tentative de définition, au profit d’une démarche ouverte sur ce qu’ils nomment des « formes élémentaires » du bonheur : les humeurs positives, les plaisirs des sens, les satisfactions tirées de certaines activités artistiques ou sociales, les discours joyeux ou du moins positifs. Parmi ces textes variés par leurs objets et leurs lieux, on notera que les vacances, le sport extrême, l’engagement associatif ou humanitaire, l’expérience chamanique (au Mexique), la musique (en Inde), la dégustation de vin, la perception des odeurs soulèvent tous la même question, à savoir si le « bonheur » et sa version fugace (le plaisir) sont des constructions de l’esprit ou des émotions spontanées.
Marc Olano