> Nick Chater
Psychologue, il est professeur de sciences du comportement à la Warwick Business School, où il a fondé le groupe d’étude des sciences du comportement, le plus important du genre en Europe. Il est également conseiller auprès du Behavioral Insights Team, l’agence de mise en application des sciences du comportement rattachée au gouvernement britannique, et membre du Comité britannique sur le changement climatique, de la Cognitive Science Society, et de la British Academy. Il a publié Et si le cerveau était bête ? (Plon, 2018).
Nous savions que la Terre était ronde. Dans Et si le cerveau était bête ? (titre original : The Mind is flat), vous nous apprenez que l’esprit est plat ! Qu’entendez-vous par là ?
Nous nous référons souvent à notre esprit comme à un iceberg, avec des pensées conscientes en surface, et un énorme inconscient en dessous. Mais c’est un grand malentendu, qui donne l’impression qu’il ne s’agit que de glace, que le conscient et l’inconscient ont la même nature. C’est complètement faux ! Le traitement inconscient de l’information est complètement différent de nos pensées conscientes. Le cerveau nous trompe en nous faisant croire que notre expérience consciente est une représentation de mystérieux processus cérébraux, alors que pas du tout : quand j’essaie d’expliquer mon comportement, je ne fais que jouer aux devinettes, parce que la machinerie souterraine du cerveau me restera toujours totalement opaque. Je dispose d’encore moins d’indices du fonctionnement de mon cerveau que du fonctionnement de mon cœur ou de mon foie. Dans le domaine perceptif, quand le cerveau nous renseigne sur les gens ou les objets qui se trouvent en face de nous, nous avons l’impression que c’est tout naturel, qu’il n’y a aucun traitement de l’information : on ouvre les yeux, et c’est tout. Mais à peu près la moitié du cerveau est dévolue à la perception, avec des processus extraordinairement compliqués dont nous n’avons aucune conscience. Nous n’avons pas le moindre aperçu de ce qui se passe vraiment en nous !
Le cerveau humain serait alors une machine très complexe nous faisant croire que la réalité est simple ?
C’est tout à fait vrai. Sur le plan visuel, le monde nous apparaît extrêmement complexe et coloré. Pourtant, le fonctionnement même de notre œil ne nous fait percevoir, en réalité, qu’un panel restreint de couleurs et de détails, comme à travers une minuscule fenêtre, ou une longue-vue. Il en va de même pour notre comportement et nos pensées : le cerveau sait beaucoup moins de choses que nous le pensons, mais peut répondre très rapidement à nos questions. Qu’il s’agisse de savoir pourquoi nous aimons quelque chose, pourquoi nous avons certaines croyances, pourquoi nous agissons de telle ou telle manière… nous avons toujours la réponse, quand bien même elle n’existe pas ! Nous sommes tous tellement bons à ce petit jeu que nous sommes persuadés que ces informations sont toutes prêtes, à notre disposition, quelque part dans notre esprit, et nous ne les contestons pas. Pensez aux histoires que vous racontaient vos parents avant de vous endormir : chaque fois que vous demandiez pourquoi un personnage agissait comme il le faisait, ils avaient une justification, mais, bien sûr, improvisée. C’est pareil pour toute notre vie ! Le cerveau est un excellent improvisateur. À bien des égards, il est incroyablement malin… mais en profite pour se jouer de nous, nous tromper.