Il n'est pas rare d'entendre des restaurateurs évoquer leurs problèmes de recrutement : ils ne trouvent pas de « cuistot ». Sylvie-Anne Mériot a étudié cette profession en adoptant une approche pluridisciplinaire (historique, économique et sociologique). Son analyse très fouillée et référencée en révèle les multiples visages.
Quelques stars d'hier (Auguste Escoffier) et d'aujourd'hui (Joël Rebuchon, Marc Veyrat, Bernard Loiseau) incarnent l'idéal type de l'apprenti cuisinier, ainsi que celui de leurs professeurs. Or, cette culture de la haute gastronomie et l'apprentissage de ses savoir-faire n'apparaissent guère appropriés pour les cuisiniers qui officient de plus en plus dans la restauration collective. Les cours les plus scientifiques sur les normes d'hygiène, les règles de nutrition ou encore la chimie culinaire ne sont guère valorisés par le corps enseignant, pour trois raisons selon la sociologue : « Le refus d'une industrialisation de la sphère alimentaire » ; « une fascination pour une cuisine idéalisée du siècle dernier » ; et la peur de l'avènement d'une cuisine sans personnel qualifié, de type pizzas-hamburgers.
Au final, la profession de cuisinier de cantine serait, affirme l'auteur, frappée d'« anomie », en raison de la dévalorisation sociale qu'elle subit et du faible soutien institutionnel qu'elle reçoit.