On ne peut comprendre le statut actuel de la psychanalyse en Allemagne sans faire un retour quatre-vingts ans en arrière, au moment où Hitler accède au pouvoir. Le IIIe Reich provoque l’exil massif d’un grand nombre d’analystes des pays germanophones, à New York et Londres. D’autres sont assassinés (Karl Landauer, John Rittmeister, Salomea Kempner). D’autres encore, peuvent continuer à pratiquer l’analyse au prix de compromis (interdiction de prononcer le mot « complexe d’Œdipe », banni par le Reich) ou de compromissions – ainsi Carl Gustav Jung publiera-t-il dans le Zentralblatt für Psychotherapie un nauséabond « Sur les différences entre les psychologies aryenne et juive ».
Le 10 mai 1933, les livres de Freud sont brûlés dans les universités allemandes. Le Dr Mathias Göring, parent du Reichmarschall Göring, devient directeur de la nouvelle Société allemande de psychothérapie dont tous les membres doivent se référer à Mein Kampf. La Société berlinoise de psychanalyse se débarrasse de tous ses membres juifs et la Société allemande de psychanalyse, fondée trente ans plus tôt par Karl Abraham, est officiellement dissoute en 1938 (1). Si la psychanalyse disparaît officiellement du Reich, le « traitement de l’âme » intéresse de très près les autorités, y compris parce que « les Nazis étaient attirés par la psychothérapie parce qu’elle évitait d’utiliser le diagnostic psychiatrique déplaisant de tare héréditaire au sein de la ‘‘race des seigneurs’’ et offrait au contraire les vertus pratiques de l’amélioration » 2. L’abominable Institut Göring s’abat sur l’Allemagne et en Autriche.