Le docteur Itard et l'enfant sauvage

En tentant d’éduquer le jeune Victor, retrouvé abandonné nu dans une forêt et qualifié d’idiot incurable par la médecine officielle, le docteur Itard a été le précurseur de l’enseignement spécialisé.

En 1797, des paysans de l’Aveyron aperçoivent un enfant nu courant dans la forêt. Craintif, il s’enfuit à leur vue en émettant des sons inarticulés. Quelques mois plus tard, des bûcherons réussissent à le capturer et l’amènent au village. On tente de le laver et de le nourrir, mais l’enfant crie et se débat, avant de parvenir à s’échapper. Le 25 juillet 1799, des chasseurs le découvrent dormant dans un arbre et réussissent à l’attraper, mais il s’enfuit encore. Enfin, le 8 janvier 1800, un jour d’hiver particulièrement rigoureux, l’enfant vient se réfugier de lui-même chez le teinturier du village de Saint-Sernin. On le confie à un orphelinat où de nombreux spécialistes viennent l’observer, tentant en vain d’obtenir de lui quelques mots. L’abbé Sicard, directeur de l’Institut des sourds-muets, obtient qu’il soit transféré à Paris afin de pouvoir l’étudier. Très vite, son verdict tombe : cet enfant est un « idiot de naissance » et c’est pour cela, sans doute, que ses parents l’ont abandonné dans une forêt où il a survécu tant bien que mal. Ce diagnostic est confirmé par le spécialiste de l’aliénation mentale de l’époque, le docteur Pinel, qui conclut, après un examen minutieux à « l’idiotisme incurable ».

Jean-Marc Gaspard Itard (1774-1838) a alors 26 ans, il n’a pas encore passé sa thèse de médecine, mais a été affecté à l’Institut des sourds-muets. Il s’intéresse très vite à celui qu’on baptisera désormais Victor, en référence à ses borborygmes les plus fréquents. Itard est un disciple de Locke et Condillac, des philosophes qui considèrent, à rebours de la philosophie classique qui dominait, que toute connaissance vient de nos sensations et que nous sommes en quelque sorte « pétris » par nos expériences. Si c’est le cas, alors l’éducation a un pouvoir extraordinaire : comme le disait le philosophe matérialiste Helvétius, « l’éducation peut tout, même faire danser les ours ».