Le harcèlement scolaire

De 3 à 15 ans, près d’un élève sur dix est victime de harcèlement à l’école. Qui sont les harceleurs et quelles sont leurs motivations ? Quelles sont les conséquences pour les victimes ? Peut-on mettre fin à ces pratiques ?

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• Qu’est-ce que le harcèlement ?

À l’école ou ailleurs, le harcèlement est un sujet de plus en plus commenté. Médias, parents et personnels de l’Éducation nationale s’en inquiètent, à juste titre : environ 10 % des élèves, de la maternelle au collège, sont la cible de harcèlement de la part de leurs pairs. Insultes, vol de fournitures, surnoms désagréables et bousculades ne sont pas rares en milieu scolaire, en particulier au collège. Le plus souvent, il s’agit d’attaques verbales : 36 % des élèves déclarent y avoir été confrontés, contre 20 % pour les agressions physiques. Mais toutes les violences ne relèvent pas du harcèlement. La définition du phénomène a évolué à la lumière des travaux de ces dernières années.

Le ministère français de l’Éducation nationale cite deux critères principaux pour définir le harcèlement : l’agressivité et la répétitivité. Sont considérés comme agressifs les comportements suivants : insultes, menaces, coups, bousculades ou messages injurieux. Aucune durée minimum n’est mentionnée dans les textes officiels, mais les violences doivent être répétées sur une longue période.

Pour l’institut psychologique de Palo Alto, spécialiste de la prise en charge du harcèlement par la thérapie brève, les critères de l’Éducation nationale ne suffisent pas. Des agressions répétées peuvent relever de violences entre bandes ou de représailles. Pour qu’il y ait harcèlement, la victime doit être isolée face à ses agresseurs. Des psychologues tels qu’Emmanuelle Piquet, auteure de l’ouvrage Le harcèlement scolaire en 100 questions (Tallandier, 2017), parlent d’« escalade complémentaire » : la violence dans la relation augmente à mesure que le harcelé cède le pouvoir au harceleur. La victime est en effet sous l’emprise de son agresseur, incapable de répliquer, ce qui pousse ce dernier à continuer. Plus que la teneur des attaques, c’est la souffrance de la victime qui est retenue comme principal critère du harcèlement.

Le harcèlement débute souvent par la stigmatisation de l’apparence physique d’un élève, ou par son appartenance à un groupe social particulier. La passivité de la victime au moment des agressions donne le signal aux harceleurs. Les attaques vont se répéter de nombreuses fois. Des escalades complémentaires ont été observées dès 2 ans, en crèche ou en garderie. E. Piquet remarque que « certains enfants se font continuellement prendre leurs jouets ou leur place au toboggan sans autres stratégies de défense que de pleurer ».

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Le bilan dressé par Éric Debarbieux dans L’école face à la violence (Armand Colin, 2016), montre que 6 % des cas de harcèlement sont sévères voire très sévères (multiples agressions tous les jours). Il s’agit d’élèves qui font face à des attaques physiques ou à des invectives, mais aussi d’enfants ignorés par des classes entières. Car la mise à l’écart, le fait d’être considéré comme impopulaire sans que quiconque nous adresse la parole peut aussi constituer un cas de harcèlement.


• Un phénomène qui progresse ?

La notion de harcèlement scolaire (« school bullying ») est relativement récente. Elle a été forgée en 1973 par la psychologue Dan Olweus, qui enquêtait alors dans des établissements scolaires suédois, et il a fallu attendre les années 2000 pour qu’elle se diffuse dans les pays francophones. Faut-il conclure que le climat scolaire s’est dégradé ? Ce n’est pas certain. Le milieu scolaire n’a en fait jamais été un sanctuaire exempt de violence. Depuis les années 1950, devant les établissements, dans les cours de récréation et même en classe, les agressions entre élèves ne sont pas rares. Mais les faits suscitent aujourd’hui de plus en plus d’intérêt. L’école n’est plus perçue comme un simple lieu de socialisation, elle jouerait un rôle dans le développement des comportements violents. La popularisation de certains produits culturels (jeux vidéo, dessins animés, sites Internet) a posé la question d’une « culture de la violence » chez les enfants. Les conséquences du harcèlement, relayées dans les médias, ont alerté l’opinion : décrochage scolaire, suicides…

En France, la première étude de victimation date de 1996. Le sociologue É. Debarbieux, qui la dirige, met en avant le ressenti des individus comme l’un des premiers critères de harcèlement. Les résultats montrent une faible proportion de violences graves (racket ou port d’armes), accompagnées d’un lot important de « microviolences », ces petites agressions du quotidien telles que le vol de fournitures, la mise à l’écart ou les surnoms désagréables. Souvent cumulées sur un même élève, ces violences sont majoritairement verbales.