> Bertrand Gardette
Bertrand Gardette est conseiller principal d’éducation en lycée. Avec le professeur de philosophie Jean-Pierre Bellon, il a notamment publié Harcèlement et cyberharcèlement à l’école. Une souffrance scolaire 2.0 (ESF, 2017) et l’Association pour la prévention des phénomènes de harcèlement entre élèves (APHEE), ainsi que le site harcelement-entre-eleves.com, première base francophone de ressources documentaires sur le harcèlement.
Comment peut-on définir le harcèlement ?
À la fois par de grands et de petits actes de malveillance, des insultes, des moqueries, parfois des coups, et qui vont se répéter pour très longtemps, plusieurs semaines, plusieurs mois, et même plusieurs années. Il est pratiqué par plusieurs élèves contre un camarade de classe qui généralement a du mal à se défendre. On retrouve le phénomène dans au moins une classe sur deux.
Quelles sont les différences entre le harcèlement scolaire et celui pratiqué sur Internet ou dans la rue ?
Bonne question ! Le harcèlement dans la rue, à mon avis, ce n’est pas du tout la même chose que le harcèlement scolaire : c’est plutôt du harcèlement d’adultes. Ces deux univers sont complètement différents. En revanche, il y a bel et bien des points communs entre le harcèlement à l’école et sur Internet. Tous les deux peuvent toucher des élèves du collège. Les élèves victimes de harcèlement sur Internet sont d’ailleurs, pour la plupart d’entre eux, également victimes de harcèlement scolaire classique. Internet n’est alors qu’un outil de plus pour les agresseurs de l’école, à travers les réseaux sociaux ou plusieurs sites comme Snapchat.
Quelle forme de harcèlement est la plus répandue, et pourquoi ?
C’est très difficile à dire parce que, d’un cas à l’autre, les formes de harcèlement évoluent. Le harcèlement psychologique semble tout de même plus répandu. Ce qui reste peut-être une généralité, c’est que plus on devient grand, plus le harcèlement devient psychologique. C’est-à-dire qu’il prend la forme de paroles, de moqueries, de surnoms, d’insultes, de mauvaise réputation, alors que dans les plus petites classes il s’agit plutôt de coups, d’actions physiques.
Pourquoi certains se font harceler et pas d’autres ?
Je crois qu’il n’y a pas de raison unique. Ta question revient un peu à dire : « Dans un groupe, il y a forcément des élèves qui vont être victimes de harcèlement, et d’autres non. » Or l’expérience montre que tout le monde peut être victime de harcèlement. Ensuite, c’est une affaire de contexte particulier. Par exemple, si tu es en classe de 4e et que tout se passe bien pour toi, que tu as des amis, tout le monde te parle, il suffit que tu changes d’établissement à la rentrée prochaine pour devenir victime. Si tu n’as plus trop envie d’aller à l’école, ou si tu manques de confiance en toi, si tu t’es disputé avec tes parents, si tes résultats scolaires sont en baisse, c’est à ce moment-là que le harcèlement peut te tomber dessus.
Qui sont les harceleurs et pourquoi harcèlent-ils ?
Le harceleur, c’est quelqu’un qui pense pouvoir être populaire en se moquant des autres. Il a tort, car ce qu’il fait subir à sa victime n’est pas sympa pour les autres non plus ! Souvent, il n’a pas confiance en lui (il peut aussi s’agir d’une fille, d’ailleurs), il n’est pas très bien dans sa scolarité, et exprime son malaise de cette façon. Il n’y a pas vraiment de méchanceté voulue. Mais il ne faut pas s’en prendre à d’autres élèves pour dire qu’on se sent mal ! Je précise que le harceleur à l’école n’a rien à voir avec le harceleur adulte. Lui, il a un profil plus facile à identifier : c’est quelqu’un qu’il n’est pas forcément bon de rencontrer… Tandis qu’à l’école, quelqu’un de normal qui ne sent pas bien peut facilement devenir harceleur.