On sait depuis longtemps que l'hémisphère gauche du cerveau est un spécialiste du langage. Mais on ne sait pas pourquoi. Certains neuroscientifiques l'attribuent aux grandes capacités de cet hémisphère à contrôler les mouvements de l'articulation et à traiter les aspects auditifs du discours. Car comme le dit l'expression populaire, rien de tel que le « bouche à oreille ». D'autres chercheurs ont une autre explication : l'hémisphère gauche serait, non pas un spécialiste des sons ou des mouvements articulés, mais bien un linguiste confirmé. Sa spécialité serait la structure proprement linguistique du langage.
Comment départager ces deux explications ? En étudiant un langage qui n'implique ni sons ni mouvements de la bouche : le langage des signes. Grâce à cette idée, Laura Petitto et ses collègues de l'université McGill, à Montréal, ont montré par imagerie cérébrale que des zones que l'on croyait spécialisées dans le traitement des sons s'activaient lorsque des sourds communiquaient par langue des signes. Deux conclusions différentes dérivent de ces résultats. On peut soit en déduire que l'hémisphère gauche a des capacités générales de traitement du langage indépendantes du canal sensoriel (ouïe ou vue, mouvements de la bouche ou gestes des mains). Ce qui confirmerait les théories innéistes du langage, comme celle de Chomsky.
Une autre interprétation est possible : ces zones du cerveau des sourds, n'ayant jamais reçu d'informations auditives, se seraient spécialisées dans le traitement d'images visuelles complexes (les gestes). Ce qui montrerait alors les grandes capacités d'adaptation du cerveau. Dans un cas comme dans l'autre, l'étude du langage des sourds contribue fortement à mieux comprendre le langage humain.
Références
P. Collins, « The hands that hold the keys », Nature, vol. II, n° 2, février 2001.