Le LOL, un rire de rébellion

La mort de Steve Jobs a plongé le Net dans le deuil. Formules dithyrambiques, remerciements, rafales de tweets en billets mortuaires : aucun geek n’a manqué à l’appel. Et pourtant, simultanément, la communauté numérique a fabriqué et fait circuler d’innombrables photos tournant en dérision l’événement, multipliant les angles de vues cocasses sur le vide laissé par le gourou. Cette façon de renverser le sens de la réalité, de s’en esclaffer bruyamment par des manipulations d’images, de jouer sur les codes, marque l ‘humeur du Net. La galaxie des réseaux sociaux et des blogs est parcourue par le rire et l’ironie. Que penser de ce culte du détournement ?

Steve Jobs,fatal error occured

• «Il pense que Steve Jobs est Gandhi»

Cette photo de deux jeunes filles hilares, très à la mode en ce moment sur les imageboards, joue sur la notion de BFF, best friend forever, un mot-clé qui se développe dans l'univers porno. Dans une vidéo classique, deux jeunes «meilleures amies pour toujours» se confient tout et évidemment à la fin couchent ensemble ou avec une troisième personne, l'une d'elles n'hésitant pas à partager son petit copain.

 

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• "Ils ont pris nos jobs ! "

Jeu sur Steve Jobs et job, le travail, assez facile. L'image est extraite de la série South Park lors d'un épisode qui caricature les Américains ayant peur des immigrants. La phrase, prononcée avec un fort accent chantant du Midwest, est depuis devenue une sorte de gimmick.

 

 

Steve Jobs, Georges Papandréou, Silvio Berlusconi : Steve Jobs, No jobs, Blow Jobs


Un espace mental pour initiés

Dans la survolte des échanges au sein du Net, s’est tissé un espace mental original. Le lol et le lulz, acronymes nés dans l’archipel du Net depuis une dizaine d’années, apparaissent comme des marqueurs de l’époque, un produit des interactions de la jeunesse avec les médias et des fragments d’images récupérées– films cultes, cartoons, mangas, jeux vidéo, séries, infotainment, émissions humoristiques. Le premier, le lol, qui vient de l’anglais laughing out loud, signifie rire à gorges déployées. Le second, un dérivé du lol, s’est construit au fil des interactions entre internautes et signifie rire aux dépens d’autrui (I did it for the lulz). Le lulz peut être tenu pour la variante négative du lol, ce dernier dénotant un caractère bon enfant tandis que le premier est méchant. Le premier marque l’humeur récréative du Web adolescent, le second conduit parfois à des lynchages médiatiques.

 

Dans cette création collective, un élément est décisif : le rôle techniquement actif et idéologiquement mobilisateur des professionnels, semi professionnels (informaticiens, ingénieurs, web journalistes, webmasters, web designers, social managers, inventeurs de logiciels et d’applications) ou, simplement, des geeks (amateurs passionnés) qui font fonctionner le Web. Cet ensemble forme une communauté solidaire, unie par un savoir-faire informatique et un système de valeurs qui émane de la généalogie du Net–autonomie, intégrisme de la liberté d’expression, égalitarisme, idéologies du don et du partage. Or, pour une grande part, le trafic d’images, dans les deux sens du mot, la manipulation et la circulation, repose sur l’expertise de ces sentinelles. C’est en particulier, cette communauté qui à partir de l’imageboard 4Chan, -site de partages d’images sur un mode anonyme -, a lancé un des phénomènes du Net : les mèmes.