Le malaise des élèves infirmiers et infirmières

À petit texte, grand effet… Une brève actualité publiée dans notre numéro 270 (mai 2015) a suscité deux courriers détaillés. Il était question dans cet article d'une enquête auprès d'étudiant(e)s infirmier(ère)s faisant état de relations délétères avec les enseignants, voire de mauvais traitements observés dans les instituts de formation à cette profession. Les humiliations, le stress, l'agressivité des formateur (trice)s amenaient 45 % des déclarant(e)s à considérer comme « violente » la relation qu'ils entretenaient avec eux. Le tableau ainsi brossé a inspiré des réflexions plutôt contraires à deux de nos lecteurs.

 

Jean-Christophe Pezerat, cadre-formateur de santé, n’est pas du tout d’accord.

« Je vous écris, écrit-il, pour réagir à votre article “Infirmières, une formation à la dure”. En effet, vous vous appuyez sur une étude de la Fnesi (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers) pour tirer des conclusions hâtives et très orientées. Votre article donne à penser que les étudiants en soins infirmiers (Esi) sont en souffrance, cela à partir d’une étude qui n’a jamais été validée scientifiquement. De plus, cette étude n’est pas représentative : sur les 90 000 Esi de France, seuls 3 486 ont répondu à ce questionnaire (soit 3,87 %). Une étude objective exigerait un choix aléatoire de questionnés et une cohorte plus importante. Il est à noter que le Cefiec a proposé à la Fnesi de construire une étude commune, nous n’avons pour l’instant pas eu de réponse.

C’est d'autant plus regrettable que Sciences Humaines est un journal qui est reconnu pour son objectivité et pourrait laisser penser que ce que vous avez publié correspond à la réalité… Il peut être utile de rappeler que la Fnesi est avant tout un syndicat en quête de représentativité, auquel n’ont adhéré qu’environ 10 % des Esi, et qui milite depuis plusieurs années pour une intégration universitaire complète et une disparition des Ifsi (instituts de formation en soins infirmiers).

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Si certaines critiques de la Fnesi sont tout à fait légitimes (manque de tuteurs et de moyens sur les lieux de stage), d’autres mériteraient d’être recontextualisées. Les études sont d’un niveau exigent et de nombreux étudiants peuvent rencontrer des difficultés au cours de leurs trois années d’études.

Je pense que, dans la plupart des Ifsi, les étudiants ont le droit de s’exprimer auprès des différentes instances. Aussi, parler de “relations violentes” me semble insultant pour tous les formateurs et directeurs, tous anciens soignants, qui défendent les valeurs du prendre-soin. Il est utile de rappeler que chaque étudiant bénéficie d’un suivi pédagogique individualisé, je ne pense pas que ce soit le cas à l’université. Enfin, question rarement abordée par la Fnesi : quel(le)s infirmi(ère)s veut-on former ? Les formateurs ont la prétention de penser qu’ils forment des professionnels de qualité.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ces précisions,

Bien cordialement. »

 

Autre son de cloche, Marie-Pierre Cartier-Noguet, lle, renchérit sur l’enquête de la Fnesi, et y ajoute un délit de sexisme.

« Pour compléter votre article sur la formation des infirmières, il faudrait évoquer la discrimination dont les infirmiers (hommes) sont victimes de la part des enseignantes. Particulièrement pendant les stages de professionnalisation dans des services, où les encadrantes souffrent elles-mêmes des contraintes de la nouvelle gestion des hôpitaux.

À la violence décrite par l’article, il suffit d’ajouter, concernant les hommes, des humiliations supplémentaires telles que des propos méprisants sur l’incompétence des hommes, des humiliations publiques, même devant les malades, de la rétention d’informations puis le reproche de ne pas les avoir devinées (sur des gestes à apprendre, des soins à montrer, etc.), des mensonges avérés, des fautes inventées, parfois la faute de la titulaire reportée sur l’étudiant, des propos stressants pendant l’apprentissage des gestes infirmiers, du triomphalisme quand le geste n’est pas bien fait, l’interdiction de toute gentillesse avec les malades, et bien sûr aucune politesse de base, aucun encouragement, aucune reconnaissance des progrès accomplis.