Quand l’industrie du tabac crée des goûts atypiques de cigarettes (chocolat, vanille, menthe, etc.) pour attirer une clientèle jeune et féminine, ou s’attaque au marché des pays les plus défavorisés car la législation en matière de santé publique n’y est pas encore contraignante (1), c’est du marketing. Et tout le monde s’accorde à dire que c’est éthiquement très discutable. Quand les pouvoirs publics imposent d’afficher sur les paquets de cigarettes des images de poumons délabrés et de bouches édentées pour en limiter la consommation, c’est toujours du marketing. Et tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’une action juste. La différence ? Cette fois, le marketing est social. Car le marketing est un outil neutre qui s’apprécie à partir des intentions de celui qui l’utilise, du manipulateur misanthrope et vénal au résistant philanthrope. Trop longtemps, les acteurs de la santé ou de l’environnement ont hésité à utiliser les techniques issues du marketing, comme si elles étaient à tout jamais propriété de « l’ennemi ». Aujourd’hui les mentalités évoluent, et la fin justifie les moyens pour ceux qui pensent qu’il ne faut pas laisser aux adversaires le monopole des stratégies d’influence (2).
L’engagement écologique, c’est pas automatique
Prenons l’exemple de la sauvegarde de l’environnement, enjeu majeur du XXIe siècle s’il en est. Pollution, réchauffement climatique, accumulation de déchets… Autant d’éléments qui endommagent la planète. Loin d’être le fruit du hasard, ils sont bien dus à l’activité humaine : ce sont en effet nos modes de production et de consommation qui sont en question.Dès lors, comment agir pour inverser la tendance ? Une mission pour les experts du comportement humain, parmi lesquels les psychologues sociaux occupent une place de choix. L’enjeu est de comprendre pourquoi les individus adoptent des comportements nuisibles pour l’environnement et, à partir de là, d’élaborer des programmes qui permettent de les modifier. Car si chacun sait qu’il est préférable de recycler ou d’utiliser avec parcimonie la voiture, il est rare que le geste suive. Le marketing social se propose de dépasser cet écueil grâce aux techniques du marketing justement. Dès les années 1990, aux États-Unis, Carol Werner, professeur de psychologie à l’université de l’Utah, et ses collaborateurs (3) ont ainsi testé l’efficacité de quatre méthodes pour susciter des comportements de recyclage : un flyer informatif, un contact téléphonique, un contact en face à face et, enfin, une demande d’engagement par signature.
Les résultats montrent clairement qu’entre la première et la dernière forme de sollicitation, la proportion de comportements de recyclage augmente de façon croissante. Mieux vaut donc un engagement formalisé. L’attitude envers le recyclage était pourtant la même dans toutes les conditions : qu’ils aient reçu un flyer ou qu’ils aient signé un document, tous les individus sollicités estimaient le recyclage important. Penser n’est pas agir, ce que le marketing a compris depuis longtemps.