Le moment anthropologique de Wittgenstein

Christiane Chauviré, Kimé, 2004, 154 p., 18 €.

On sait que le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein s'est intéressé à l'anthropologie, et a notamment consacré d'importantes notes au Rameau d'or de James Frazer en 1931. Mais ce n'est pas sur cet aspect de son oeuvre que porte l'ouvrage de Christiane Chauviré. Par « moment anthropologique », l'auteure désigne en fait un certain style de pensée que L. Wittgenstein développe, selon elle, à partir des années 40 et qui insiste sur ce qu'il appelle « l'histoire naturelle » de l'homme.

Son souci est d'appréhender des activités telles que l'art ou les mathématiques comme tout aussi naturelles et humaines que manger, marcher ou parler. Les mathématiques sont pour lui, comme il dit dans les Remarques sur les fondements des mathématiques, « un phénomène anthropologique » : vouloir les fonder, comme les mathématiciens ont cherché à le faire lors de la crise des fondements des mathématiques dans la première moitié du xxe siècle, est une vaine entreprise. Elles correspondent tout bonnement à un ensemble de pratiques régi par des règles et soutenu par un consensus.

Comme souvent, la visée wittgensteinienne est démystificatrice : au lieu de construire une théorie justifiant le social, les mathématiques ou les arts, pour L. Wittgenstein, il faut souvent se contenter de dire que c'est ainsi que nous faisons. C'est donc toujours et encore à la pratique que le philosophe autrichien renvoie la philosophie.