Depuis 2003, la Constitution de la Ve République indique que la République française est non seulement « une et indivisible », mais aussi « décentralisée ». De prime abord, cet article 1er renforce le pouvoir des collectivités locales, longtemps contenu par les moyens de l’État central. Toutefois, la décentralisation s’apparente plutôt à un processus long et incertain. Elle prend sa véritable impulsion au début des années 1980 à travers une série de lois (« acte I ») visant à desserrer la tutelle de l’État et à transférer des moyens juridiques, financiers et humains aux collectivités locales. La décentralisation a ensuite connu une relance au début des années 2000 (« acte II ») avec de nouveaux transferts et le renforcement de son assise constitutionnelle. Après l’enthousiasme des débuts, nombre de rapports d’expertise ont attiré l’attention sur les effets pervers de la politique de décentralisation : architecture des institutions territoriales trop complexes, responsabilités politiques opaques, inflation et redondance des dépenses locales. La critique s’est même accentuée dans les années 2000 pour des motifs d’efficacité, d’économie et de compétitivité. Dans ces conditions, les présidences de Nicolas Sarkozy et François Hollande ont remis sur le métier le processus décentralisateur à travers plusieurs lois parfois appelées « acte III ». Prétendant « clarifier » et « moderniser » les institutions territoriales jusqu’à dessiner une « nouvelle organisation territoriale de la République » pour reprendre le titre de la dernière loi du 7 août 2015 (loi Notre), ces réformes laissent entrevoir des évolutions sans doute moins évidentes. Elles dessinent notamment une différenciation, possiblement inégalitaire, des statuts et des moyens selon les territoires.