« Le paranormal : il faut douter sans mépriser » Rencontre avec Jean-Michel Abrassart

Certains phénomènes paranormaux sont confirmés, d’autres non, mais pour beaucoup, il est difficile de se montrer catégorique. Bienvenue dans la « psychologie anomalistique » !

> Jean-Michel Abrassart

Docteur en psychologie, il a publié 60 questions étonnantes sur le paranormal et les réponses qu’y apporte la science (Mardaga, 2016) et anime le podcast de zététique Scepticisme scientifique (scepticisme-scientifique.com)


Pour que les choses soient bien claires avec un sujet qui peut facilement porter à confusion, quelle est la différence entre « paranormal » et « parapsychologie » ?

Le surnaturel sous-entend l’existence d’une nature et d’une surnature. Par exemple, des miracles se produisent avec l’intervention de Dieu. Le « paranormal » désigne des phénomènes qui sortent de la norme, des anomalies par rapport aux consensus scientifiques ou à la vision d’une culture donnée. C’est un peu fourre-tout, mais sans la dimension miraculeuse… La parapsychologie constitue vraiment une discipline scientifique, issue de la « métapsychique » au début du XXe siècle, et s’intéresse par exemple à la télépathie, à la psychokinèse (ou déplacement des objets par la pensée). La plupart de ces phénomènes sont contestés par le consensus scientifique actuel. Pour être précis, mon livre relève plutôt d’un champ plus vaste, la « psychologie anomalistique », c’est-à-dire la psychologie des anomalies ou du paranormal, des expériences exceptionnelles : l’impression qu’on est capable de prédire le futur ou lire les pensées des gens, l’enlèvement par des extraterrestres, les sorties hors du corps, les expériences de mort imminente, l’impression que sa maison est hantée… Le but est vraiment d’étudier ces phénomènes comme si le paranormal n’existait pas, en essayant de réduire les phénomènes à du connu, à des mécanismes psychologiques reconnus par la science, la suggestibilité par exemple.

Existe-t-il des phénomènes paranormaux qui seraient confirmés par la science ?

Pour moi, l’hypnose est un phénomène paranormal dont l’existence a été confirmée. C’est un sujet de recherche complètement naturalisé, de même que la méditation de pleine conscience par exemple. Il n’y a rien de paranormal là-dedans pour les psychologues, mais pour le grand public ou les médias, la méditation peut être encore associée avec des idées mystiques. D’ailleurs, quand j’ai soumis ces thèmes à mon éditeur, il m’a dit : « Mais ce n’est pas des phénomènes paranormaux, ça ! » Je voulais tout de même les inclure pour qu’on se rende compte que certains phénomènes auparavant considérés comme paranormaux sont en train, lentement mais sûrement, d’évoluer vers le normal.

À l’inverse, est-ce qu’il y a des phénomènes paranormaux qui sont franchement infirmés, dont on aurait la preuve qu’ils sont impossibles ?

Je pense que l’objet de la psychologie anomalistique, c’est d’expliquer les phénomènes. Par exemple, on sait que la théorie astrologique ne repose sur rien de réel : il n’y a pas d’influence des astres sur le comportement. On peut donc dire que l’astrologie est une pseudoscience. Mais la vraie question, au fond, c’est : pourquoi les gens continuent-ils à y croire et à la pratiquer ? C’est une question qui peut aussi bien intéresser les sociologues et les anthropologues que les psychologues. On peut donc étudier pourquoi les gens ont foi en l’astrologie ou se sentent rassurés par elle, quels sont les mécanismes qu’utilisent les astrologues pour donner l’impression que l’astrologie fonctionne, etc. Ça, c’est vraiment le cœur de la psychologie anomalistique.