Le plus dur métier du monde

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« Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants », la formule prête à sourire mais elle n’en résume pas moins l’ampleur de la tâche qui attend chaque nouveau parent : réussir à faire le deuil d’être le parent parfait qu’il avait rêvé. Plus facile à dire qu’à faire ! Si les réalités du quotidien nous obligent irrémédiablement à revoir nos exigences à la baisse – tant pis pour les purées faites maison et les jouets en bois écologiques –, elles nous conduisent plus souvent à un sentiment d’échec qu’à déconstruire nos représentations idéalisées.

Héritière de nos peines et frustrations d’enfant – qui ne s’est jamais juré de faire autrement, plus, mieux que ses propres parents ? –, cette tyrannie de la parentalité parfaite est d’abord le reflet des immenses attentes sociales qui pèsent aujourd’hui sur le dos des parents. « Favorisez leur éveil mais gare à la surstimulation », « donnez-leur des limites mais ne brimez pas leur créativité », « garantissez leur sécurité mais encouragez-les à explorer », « et surtout restez zen car votre stress lui serait préjudiciable », nous disent les experts.

À ceux qui osent se plaindre, il est rappelé que nul ne les a contraints à procréer. Comment pourrions-nous dès lors nous autoriser à donner moins que le meilleur à nos progénitures qui n’ont jamais demandé à venir au monde ? Mais ce « meilleur » existe-t-il vraiment ? Sigmund Freud ne disait-il pas aux parents « quoi que vous fassiez, vous ferez mal » ? L’éducation positive ne l’entend pas de cette oreille. Ses best-sellers nous promettent des méthodes miracles, scientifiquement prouvées, pour élever des enfants épanouis, intelligents, résilients.

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Aurait-on enfin découvert la pierre philosophale de la parentalité et ainsi déjoué la prophétie du plus célèbre des « psys » ? À moins que nous n’ayons tout simplement pas mesuré la portée de son avertissement… Ma fille de 12 ans m’a dit un jour : « J’adore l’enfance que toi et papa m’avez donnée. » Et sans laisser le temps à mes chevilles d’enfler, elle a ajouté : « Mais je ne veux pas avoir d’enfant, c’est beaucoup trop épuisant ! »