Le point de vue de Jacques Freyssinet

Comment assurer la flexibilité du système productif tout en garantissant la sécurité de l'emploi ?

Cela peut reposer sur trois socles. En premier lieu, l'employeur : les entraves aux licenciements incitent les entreprises à développer la mobilité des salariés au sein des établissements. En deuxième lieu, la qualification des salariés : c'est le vieux mythe de l'ouvrier de métier qui, se sachant doté d'une qualification reconnue et transférable, refuse de s'attacher à une entreprise. Cela renvoie aux notions d'« employabilité », de « formation tout au long de la vie » et de mobilité. En troisième lieu, une logique territoriale : la sécurité de l'emploi est assurée au niveau des bassins d'emploi à condition que les salariés acceptent de changer d'établissement.

Les obligations des employeurs pourraient être relâchées dans la mesure où les garanties des salariés seraient renforcées dans les deux autres domaines. Il n'y aurait alors aucune raison de privilégier le seul lien à l'employeur comme source de sécurité.

Il existe en France un attachement particulier au premier socle...

Pendant le xixe siècle, les salariés n'avaient aucune revendication concernant la pérennité du contrat de travail. L'attachement aux entreprises est le fruit des politiques patronales de fidélisation des salariés. En réponse, ces derniers ont cherché à négocier cet attachement, se le sont réapproprié. Il est finalement devenu un droit acquis. Ces comportements d'attachement ont été considérablement amplifiés par vingt années de chômage de masse. Le problème est qu'aujourd'hui, cet attachement est le seul recours des salariés. Or il n'est pas réaliste de prétendre exercer une contrainte durable sur les entreprises en matière de niveau de l'emploi. Ne peuvent être contrôlés que la légitimité des motifs de licenciement et leur négociation. Il convient donc de renforcer les deux autres socles de la sécurité de l'emploi.