Le « sens du service », une question d'organisation

Avoir le « sens du service », c'est ce que l'on demande à un nombre croissant de salariés. Certains sociologues y voient la résurgence de formes de servilité. Pour d'autres, la « relation de service » n'est pas un mal en soi : tout dépend des formes organisationnelles et institutionnelles qui l'entourent.

Alors que près des trois quarts de la population active occupe un travail tertiaire, la « relation de service » concerne une majorité de salariés. De l'employé au guichet d'une banque à l'assistante sociale, en passant par le vendeur de vêtements, tous ont en commun de travailler dans un face-à-face constant avec une clientèle, souvent impatiente, parfois irascible. Pour certains chercheurs, service rime alors avec servilité. Pour d'autres, comme les sociologues Jean-Louis Laville et Pascal Ughetto, on ne peut s'en tenir là. La relation de service est avant tout une capacité à adapter le service aux souhaits diversifiés du public. Elle implique non seulement les salariés travaillant en face-à-face avec le public, mais les organisations dans leur ensemble.

La première interprétation de la relation de service la présente essentiellement sous un jour critique. Elle s'inscrit à la suite des travaux d'Arlie Russel Hochschild. Dès 1983, dans The Managed Heart, cette sociologue américaine s'intéresse aux métiers de service féminins, comme celui des hôtesses de l'air. Que veut dire, pour elles, être « professionnelle » ? C'est répondre aux souhaits, à l'inquiétude, à l'agressivité même des passagers en gardant toujours le sourire. Les hôtesses de l'air fournissent un « travail émotionnel » consistant à réélaborer leur ressenti et à influer sur celui des passagers, notamment en diffusant un sentiment de sécurité. Nulle surprise que l'interprétation de A.R. Hochschild inspire nombre de recherches contemporaines, la notion de travail émotionnel pouvant s'appliquer à de nombreux métiers tertiaires (téléopérateurs, services aux personnes, etc.), ainsi qu'à une intégration générale de normes comportementales dans la définition de la compétence (« savoir être »).