Le préhistorien Jean-Michel Chazine est depuis 1994 confronté à un art rupestre inédit : sur les parois de grottes, à Bornéo, se trouvent des dizaines d'empreintes de mains négatives, c'est-à-dire réalisées en soufflant du pigment sur la main posée sur la paroi. Que signifient ces empreintes ? A qui appartenaient-elles ?
J.-M. Chazine a décidé de faire appel aux travaux des biologistes qui en effet ont montré qu'il existerait, dès le stade prénatal, un lien entre le rapport de longueur index-annulaire et la concentration en testostérones et ?strogènes. Autrement dit, entre les hommes et les femmes, les valeurs de ce rapport diffèrent. Les préhistoriens américains Kevin Sharpe et Leslie Van Gelder ont alors proposé de déterminer le sexe des empreintes de mains préhistoriques en mesurant ce fameux rapport.
J.-M. Chazine a appliqué cette proposition pour la paroi ornée de la grotte Gua Masri II, à Bornéo. Grâce à un logiciel établi par l'archéologue informaticien Arnaud Noury, deux groupes d'empreintes, masculines et féminines, sont apparus, distincts et bien organisés, qui indiqueraient donc une différenciation sexuelle dont évidemment on ne connaît pas la signification...
Apparemment, ça marche. Pourtant, cette méthode ne va pas sans poser des problèmes théoriques. D'abord, alors que le biologiste travaille sur des populations, l'archéologue s'emploie sur des empreintes en nombre limité dont il ne connaît pas la succession dans le temps : sont-elles contemporaines ou séparées par plusieurs années ? Ensuite, ce sont des empreintes et non des mains réelles : selon le relief ou le volume de la paroi, l'angle de projection du pigment, le rendu final peut comporter des déformations par rapport à l'original. Il faudra effectuer des tests expérimentaux pour évaluer précisément ce coefficient d'incertitude.
Intuition géniale ou fausse bonne idée ? La poursuite des recherches le dira.
Références
Camille Lamotte, « Les empreintes de mains se donnent un genre »,<i> Le Journal du CNRS</i>, n° 192, janvier 2006 ; J.T. Manning <i>et al.</i>, « The ratio of 2nd to 4th digit length: a predictor of sperm numbers and concentrations of testosterone »,<i> Human Reproduction</i>, vol. XIII, n° 11, 1998 ; K. Sharpe et L. Van Gelder, « A Method for Studying Finger Flutings ». www.ksharpe.com/word/AR47.htm
