Tantôt admiré comme contre-modèle d’une société jugée corrompue, tantôt soupçonné de folie ou de maladie, le solitaire n’échappe pas aux imaginaires culturels de son temps. Dans cet ouvrage, Sabine Melchior-Bonnet, historienne des sensibilités, expose la manière dont la solitude a pu devenir, du Moyen Âge à nos jours, une condition favorable à l’accomplissement de soi.
À la fin de l’Antiquité, l’ermite est un modèle de solitude pieuse. Inspiré par l’idéal biblique de la traversée du désert, il quitte le monde séculier pour se rapprocher de Dieu. Les Instructions cénobitiques de Jean Cassien donnent même des conseils à ceux qui aspirent au désert. Pour autant, ces ermites font exception. Au Moyen Âge, tout autre genre de solitaire ne peut être qu’un fou, un pestiféré ou un méchant. Lorsqu’émerge la culture humaniste, que la poésie, l’anatomie et les mathématiques concurrencent la culture religieuse, les savants aspirent progressivement à une solitude propice à l’étude. À la Renaissance, la solitude est jugée utile au perfectionnement des artistes : Rembrandt et Ronsard y cherchent une liberté créatrice. Mais elle est aussi le lot des mélancoliques, qui souffrent de l’isolement dans une société qui s’individualise.