800 lettres d’amour par mois. C’est ce que reçoit en prison Anders Breivik, le tueur norvégien qui a froidement abattu 77 jeunes dans les environs d’Oslo en 2011. Luka Magnotta, surnommé le « dépeceur de Montréal », auteur d’un meurtre sanglant et très médiatisé en 2012, a lui aussi son fan-club et des femmes qui chantent sa gloire sur Internet (voir encadré). Charles Manson était le commanditaire de plusieurs meurtres, dont celui de Sharon Tate, la femme de Roman Polanski en 1969. En 2014, il s’est (presque) marié avec une fille de 26 ans, fascinée par son personnage diabolique. Pas de doute : être un tueur en série semble apporter une nette plus-value sur le marché du désir.
Landru, un sex-symbol
Célébrité et frisson de la transgression sont ainsi au centre d’une mécanique du désir déroutante et particulière : l’attirance pour les meurtriers, la fascination amoureuse pour les gangsters et autres criminels. Cette passion singulière porte un nom : le syndrome de Bonnie and Clyde. Le couple mythique de gangsters qui ensanglanta les États-Unis dans les années 1920 pose l’archétype de l’amoureuse du criminel. Dès lors que Bonnie Parker s’amourache de Clyde Barrow, elle l’accompagne dans ses crimes jusqu’à la mort. Le même schéma que suivront les époux Fourniret, dans un style nettement moins glamour : Monique avait adressé plusieurs lettres d’amour à Michel, avant de l’épouser et de devenir sa complice en servant de rabatteuse à l’« Ogre des Ardennes ». Le phénomène n’est pas nouveau. Dans les années 1920, Landru fut accusé de 11 meurtres de femmes. Celles qui répondaient à ses annonces matrimoniales finissaient en morceau dans sa cheminée. Le procès de ce serial killer du début du siècle fut particulièrement médiatisé. Ce qui explique peut-être que durant les deux années qui séparèrent son arrestation de sa décapitation, le « Barbe-Bleu de Gambais » ne reçut pas moins de 800 demandes en mariage dûment répertoriés, et plus de 4 000 lettres passionnées de femmes enamourées. Être un tueur, même de femmes, ne semble pas un repoussoir pour d’autres femmes, bien au contraire. Cette passion hors du commun prolonge une fascination érotique – plutôt féminine – pour les « bads boys ». Passion qui s’expliquerait, selon la psychologie évolutionniste, par la recherche du mâle dominant, de la virilité, dans le but (inconscient !) d’obtenir une progéniture plus forte. Mais qui sont-elles, ces belles qui s’éprennent ainsi de la bête ?