Un enfant pleure dans la rue. Il a perdu sa peluche. Sa peine est profonde, il semble inconsolable. Sa mère cherche à capter son attention. Elle s’agenouille devant lui, lui prend les mains, raconte l’histoire d’un doudou parti en voyage. Une aventure propre à faire rêver et rire, plutôt qu’à faire pleurer. Elle lui montre un autre jouet, ou une moto garée par là, qui retiendra peut-être l’intérêt de l’enfant, le détournant de son chagrin. Peut-être feindra-t-elle de chercher le disparu, l’appelant à voix haute, jouant de sa disparition. Elle essuiera les larmes de son fils pour lui permettre de voir plus loin, ou entreprendra une activité avec lui pour le remettre dans l’élan de la vie.
Qu’est-ce donc que cette pratique, à la fois si délicate et si puissante, de la consolation ? Comment trouver les bons mots, les bons gestes ? Cette question sert de point de départ à l’enquête de Michaël Fœssel, professeur à l’École polytechnique. Figure montante de la philosophie française, spécialiste d’Emmanuel Kant et de Paul Ricœur, il tente de redonner une noblesse conceptuelle à cette notion ancienne, curieusement abandonnée à la psychologie et aux religions. Car le besoin de consolation est consubstantiel à l’humanité, souligne-t-il ; et il se manifeste à tous les niveaux de la vie sociale. Au quotidien, face aux tristesses ordinaires. Plus exceptionnellement, quand une catastrophe vient nous frapper au cœur de la cité, comme lors des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Il relève de l’intime, lorsque nous sommes confrontés au malheur d’un ami. Mais il nous rappelle aussi nos appartenances sociales et politiques, lorsque nous voyons sombrer nos espérances collectives. Dans tous les cas, c’est la perte, plus que la souffrance, qui génère le besoin de consolation : perte d’un être cher, perte d’un amour, perte de la santé, perte d’un idéal politique… Partout, l’enjeu est le même : quelle place faire au manque quand nous devons continuer à vivre ? Comment survivre à nos désolations ?