Le tour du monde de la psychanalyse

La psychanalyse, par le biais de ses sociétés savantes privées, s'est développée selon des modalités différentes, en Europe de l'Ouest, aux États-Unis et en Amérique latine. Depuis quelques années, les pays d'Europe de l'Est et certains pays d'Asie lui ouvrent leurs portes.

En tant que science et méthode de traitement, la psychanalyse s'est développée dans le monde sous la tutelle de sociétés savantes privées, les sociétés psychanalytiques. Ces sociétés, qui appartiennent pour une large part à l'Association psychanalytique internationale (API), fondée par Sigmund Freud en 1910, sont ainsi devenues le garant de la transmission d'une pratique rigoureuse et sérieuse de la psychanalyse. En un peu moins d'un siècle, l'API s'est considérablement développée : elle regroupe aujourd'hui environ 11 000 membres répartis en 64 sociétés psychanalytiques et 5 groupes d'étude, implantés dans 35 pays, principalement en Europe et dans les deux Amériques, mais aussi au Moyen-Orient et en Asie.

États-Unis : la psychanalyse sous tension

A l'époque de sa fondation, S. Freud considérait que la psychanalyse pouvait être pratiquée autant par les médecins que par les non-médecins. Cette ouverture se révélera être un obstacle à son implantation aux Etats-Unis. Les lois américaines, soucieuses d'éviter tout charlatanisme, imposent le prérequis d'une formation médicale avant toute pratique thérapeutique, y compris la psychanalyse. Le développement et la pratique de la cure type s'accompagnent donc d'une condition sine qua non : celle d'être formé aux études médicales. Mais la montée du nazisme en Europe au début des années 30 conduit un grand nombre d'Européens à émigrer vers les Etats-Unis, dont une part de non-médecins. Cette situation provoque un violent conflit au sein de l'API : les Américains ne veulent pas, dans un premier temps, intégrer les analystes européens non médecins dans l'Association psychanalytique américaine (Apsa). L'Apsa refuse en effet d'appliquer les normes internationales de formation que propose une Commission internationale de la formation, qui reconnaît notamment la possibilité aux médecins comme aux non-médecins de suivre une formation psychanalytique. L'API et l'Apsa sont donc, juste avant la Seconde Guerre mondiale, sur le point de se séparer. Mais le sort en décide autrement : le conflit mondial suspend ces dissensions internes et un compromis est trouvé après guerre pour donner un statut spécial à l'Apsa, qui conserve ainsi l'exclusivité de la formation réservée aux médecins.

Les tensions ne sont pas dissipées pour autant. Au cours des années 80, une association de psychologues américains intente un procès à l'Apsa et à l'API contre cette politique discriminatoire, avec succès. L'Apsa se voit juridiquement contrainte d'accepter des non-médecins en formation. Son hégémonie et son privilège de recruter seule les candidats futurs membres de l'API sont remis en cause. Cette ouverture permet l'essaimage d'un grand nombre de sociétés psychanalytiques américaines indépendantes, composées de médecins et de non-médecins. Elle favorise également le développement de tendances de la psychanalyse jusque-là interdites par les partisans de la psychologie du moi (Ego Psychology) 1, dont la suprématie est dès lors, fortement contestée. Le Centre psychanalytique de Californie, qui regroupe des psychanalystes se réclamant de la pensée de deux psychanalystes de renommée mondiale, Melanie Klein et Wilfred R. Bion, fait partie de ces nouvelles sociétés américaines indépendantes abritées par l'API. M. Klein, psychanalyste d'origine viennoise émigrée à Londres, est à l'origine d'un courant psychanalytique original, inscrit dans le domaine de la psychanalyse des enfants. Ses études sur le fonctionnement psychotique, tant chez l'adulte que chez l'enfant, ont par ailleurs inspiré de nombreuses recherches sur le traitement psychanalytique des schizophrènes. Hanna Segal, Herbert Rosenfeld et W.R. Bion en sont d'éminents disciples qui, dans les années 50, ont contribué de façon majeure à l'approche psychanalytique de la psychose.