Le tri sélectif entre carotte et bâton

Histoire des hommes et de leurs ordures. Du Moyen Âge à nos jours. Catherine de Silguy, Le Cherche Midi, 2009, 346 p., 18  €

Gare à vous ! Trop tard… Le contenu d’un pot de chambre vient de passer par la fenêtre et orne maintenant le sommet de votre crâne ! Voici le type d’accident auquel chacun était exposé au Moyen Âge. Les ordures jonchaient les rues, le cloaque était généralisé. Certes, un mouchoir imbibé de parfum appliqué sur le nez suffisait à tenir les miasmes et l’odeur pestilentielle à distance. Les microbes, eux, ne posaient aucun problème : personne ne les avait encore inventés. En revanche, les cochons étaient source permanente de conflits. Chargés d’éliminer les boues, ils provoquaient de nombreux accidents. Il fallait alors les juger, leur infliger des amendes et parfois les pendre.

Aujourd’hui, plus rien de tout cela ! Les ordures et autres excréments sont orientés, triés, conditionnés, voire valorisés. L’ordure est devenue une corne d’abondance, et une puissante filière économique adossée à une industrie de plus en plus innovante. Un Américain du Nord ou un Européen produit entre 600 et 700 kg de déchets par an : deux fois plus que dans les années 1960, dix fois plus qu’il y a cent ans. Nos poubelles prospères sont des gisements toujours en développement de matière recyclable. Le tri sélectif s’est imposé peu à peu à nous, même si un fossé s’est creusé entre les déclarations d’intention et les pratiques. Des politiques publiques ont été mises en place avec, selon la sensibilité des communes, la perspective de la carotte ou du bâton. Côté carotte : les lucky cans par exemple, installées un peu partout sur le territoire Suisse. Lorsque vous y jetez vos canettes, vous pouvez gagner un lot. C’est une sorte de casino à ciel ouvert où la canette en aluminium est la mise initiale. Moins ludique mais plus rémunérateur, le « payez selon ce que vous jetez » mis en place aux Etats-Unis, au Canada, en Scandinavie et en Allemagne, mais assez peu présent en France. En Alsace, une expérience menée dans une petite commune du Haut-Rhin a montré que, de 1990 à 2007, le poids des ordures est passé de 375 à 100 kg uniquement en triant et en compostant une partie des déchets.