Une fois n'est pas coutume, c'est d'un recueil de nouvelles dont on parle ici. Et ce d'autant plus volontiers que, quoi qu'en dise leur auteur, le géographe Armand Frémont, la géographie n'y est pas tout à fait absente. Instantanés d'existences ordinaires, ancrées dans des villes et pays normands, sur fond d'urbanisation, d'essor de mobilités, de construction européenne, ces nouvelles peuvent se lire comme autant d'illustrations de cette notion d'« espace vécu » forgée par l'auteur dans les années 70 pour désigner précisément ces ensembles de lieux fréquentés quotidiennement et porteurs de valeurs et de représentations communes. Une nouvelle éclaire bien par ailleurs la nature poreuse de la frontière qui peut exister entre la discipline de prédilection de l'auteur et la littérature. Intitulée « Le grand herbage », du nom de ces parcelles de prairie où l'on fait paître les vaches, elle met en scène le propriétaire desdites vaches, un « gros », un botaniste, enfin... un géographe et son fils. Le narrateur y explique que « le géographe, lorsqu'il observe le grand herbage et qu'il tente d'en reconstituer l'histoire, ne sait pas très bien s'il imagine une sorte de roman ou s'il traite la nature et les hommes qu'il analyse selon la raison d'une science exacte. Il a opté pour la raison. Mais il n'oublie jamais le roman de la terre [...] ».
Marc Olano